La peur de l’autonomie, la fonction sociale du commerce, l’imaginaire territorial des marques, le télétravail comme acquis social, les réseaux sociaux à l’ère du “cosyweb”, la RSED, “Faut qu’on parle”, L’humeur révolutionnaire et The Apprentice … Elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà la veille des idées de ces dernières semaines.
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SOCIÉTÉ ET CONSOMMATION
Ipsos Global Trends - nostalgie, nouveau nihilisme et peur de l’autonomie
Fin septembre, l’institut Ipsos a dévoilé les résultats de sa plus large étude de tendances et de prospective : Ipsos Global Trends. Cette édition décennale, d'une ampleur inédite, a été menée auprès de plus de 50 000 interviews, agrégeant plus de 5 millions de points de données provenant de 50 pays. Si ce type d’analyse est difficilement résumable, voilà toutefois quelques données particulièrement intéressantes.
1/ À l’échelle mondiale, Ipsos distingue deux sortes de nostalgies : la “nostalgie nationale”, qui concerne l’avenir de leur pays (la proportion d’interrogés qui répondent favorablement à l’affirmation “I would like my country to be the way it used to be”), et la “nostalgie personnelle”, qui concerne leur situation individuelle (la proportion d’interrogés qui répondent favorablement à l’affirmation “I would prefer to have grown up at the time when my parents were children”).
Un tableau croise les résultats à ces deux questions, pays par pays : certains pays ont une forme de nostalgie davantage nationale que personnelle (c’est le cas de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis), tandis que c’est l’inverse pour un pays comme les Émirats arabes unis ; certains se retrouvent dans les deux formes de nostalgie (Inde, Malaisie, Égypte), tandis que d’autres se retrouvent dans aucune des deux (Chine, Japon, Portugal, Espagne).
2/ 64% des personnes interrogées dans 50 pays sont d'accord avec l'affirmation suivante : “Je vis pour le moment présent car l'avenir est incertain” - la proportion allant de 44% (Suède) à 84% (Thaïlande). Si l’hédonisme a toujours existé, ce qui change la donne, note Ipsos, c’est qu’il est aujourd’hui combiné à une faible confiance dans le gouvernement pour améliorer l’avenir. Ce qui donnerait lieu à ce que les auteurs appellent un “nouveau nihilisme”.
3/ 61% des personnes interrogées dans 50 pays sont d'accord avec l’affirmation suivante : “Je me sens dépassé par les nombreux choix qui s'offrent à moi dans la vie”. La quête d’autonomie s’accompagne d’un sentiment écrasant face à la multiplicité des choix à effectuer - ce qui réactualise les thèses du psychanalyste Erich Fromm qui écrivait, dès les années 1940, sur “la peur de la liberté” … ou plus dernièrement, la thèse du sociologue Alain Ehrenberg sur “La fatigue d’être soi”.
Force de la nostalgie, présentisme ou insatisfaction liée à l’hyperchoix : autant d’insights sociétaux qui s’appliquent parfaitement à la consommation !
En France, la grande panne de la consommation
C’est la conclusion à laquelle est arrivé le journal Le Monde : malgré le net reflux de l’inflation, tombée à 1,2% sur un an au mois de septembre, les dépenses des ménages peinent à repartir. Et pour cause : “dans les grandes surfaces alimentaires, les prix restent encore de 20 % plus élevés qu’en 2021”, rappelle Emily Mayer, directrice des études de l’institut Circana. Résultat, d’après Kantar le panier moyen des ménages ne comptait plus que onze articles cet été, contre quatorze en 2020.
Les données montrent que les consommateurs recherchent des produits plus accessibles pour composer des repas à des prix moins élevés : les ventes d’œufs ont bondi de 6,8 % en 2023, celles de riz de 4,2% et celle de pâtes de 2,7%. À ce sujet, les témoignages des patrons de grande distribution sont pour le moins inquiétants :
“Avant la crise liée au Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise inflationniste, les produits non alimentaires représentaient 10 % du chiffre d’affaires des magasins ; aujourd’hui, on est entre 6 % et 6,5 %. Tout ce qui est à plus de 10 euros se vend moins bien“ (Michel Biero, numéro deux de Lidl France)
“Il y a des gens qui ne fréquentent plus du tout le rayon légumes et d’autres qui n’en achètent qu’en promotion. Cela va finir par poser un problème de santé publique si cela devait durer (…). Les produits à date courte, avec des rabais de 30 % à 50 % n’ont jamais eu autant de succès. Alors qu’avant, ils intéressaient surtout des gens en difficulté. Désormais, tout le monde en achète” (Dominique Schelcher, PDG de Coopérative U)
Sous la contrainte du pouvoir d’achat, les pratiques changent : “Certains sont revenus à la lessive liquide, car le prix au lavage revient moins cher”, explique par exemple Yannick Le Coz, directeur général des produits d’entretien d’Unilever France. Les produits jugés non indispensables, comme les assouplissants pour le linge, ont vu leurs ventes s’effondrer (– 8 % en volume en 2023, selon l’institut Nielsen). “Adieu pastilles de lessive dernier cri et autres dosettes sophistiquées, les bidons d’antan reviennent dans les chariots” résume Le Monde.
Partout, on observe la même tendance : les magasins de jouets ont subi une baisse des ventes de 5,7 % entre janvier et juillet, selon Circana ; en août, les immatriculations de voitures neuves ont baissé de 24,3 % par rapport au même mois de 2023.
La réalité de l’inflation n’est pas nouvelle - et la Cortex Newsletter l’a dûment documentée ces deux dernières années. Alors que l’outil de compilation des données audiovisuelles lancé par l’INA témoigne d’une chute de la mention de l’inflation sur les principales chaines de télévision (TF1, France 2, France 3, Arte, M6), l’article du Monde montre combien la réalité s’ancre dans les pratiques.
La fonction sociale du commerce
On déplore souvent son affaiblissement : mais où le lien social se crée-t-il ? Dans la dernière édition du Baromètre Galimmo réalisé par L’ObSoCo, on découvre que les Français perçoivent les commerces physiques comme des acteurs clés de la qualité du lien social là où ils vivent, allant même jusqu’à devancer les établissements scolaires, les espaces publics (places, espaces verts, etc.) et les services publics !
Pour mieux comprendre cette hiérarchie, l’étude détaille d’autres éléments : 71% des Français s’accordent à dire que les commerces ont une influence positive sur leur propre qualité vie. Sept Français sur dix déclarent qu’il leur arrive d’engager la conversation avec les commerçants (36% fréquemment), une même proportion avec des clients du magasin (31% fréquemment). Plus d’un tiers des Français (36%) sont systématiquement reconnus et salués par leur nom par les commerçants, et près d’un Français sur deux (48%) affirme avoir noué des relations d’amitié avec des commerçants ou des clients.
Et si, face aux difficultés de pouvoir d’achat et à la multiplication des caisses automatiques, c’était cette fonction sociale que les enseignes de commerce devaient mettre en avant ?
EN DÉBAT
Quels sont les “imaginaires territoriaux” sécrétés par les marques ?
Une étude publiée par l’Institut Terram en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès s’est penchée sur le rôle des marques dans la conception des “imaginaires territoriaux”, à savoir les récits et les représentations associées aux territoires.
Pour reprendre la définition du géographe Alexandre Moine, un “territoire” est un système complexe qui articule de façon permanente trois éléments : un espace géographique, un système de représentation de cet espace géographique et un système d’acteurs qui agissent consciemment ou inconsciemment sur lui. Tout l’objet de l’étude est d’analyser comment les marques commerciales contribuent à reconfigurer la représentation de certains territoires. “Aux côtés du cinéma, de la télévision et de la littérature, il apparaît que les marques sont devenues l’une des instances principales de sécrétion d’imaginaires territoriaux”, écrit Raphaël LLorca, qui parle d’un “tournant territorial des marques”.
De fait, toutes les marques ne produisent pas les mêmes imaginaires territoriaux, ni les mêmes types d’imaginaires : de l’imaginaire-écran de Airbnb à l’imaginaire-tableau de Paysan breton, de l’imaginaire-mythique de la brasserie Lancelot à l’imaginaire-narratif de Heetch, “il existe une pluralité d’imaginaires qui obéissent à des objectifs différents : faire diversion, questionner le réel, faire vivre des traditions, remodeler la réalité…”
Pour parvenir à cette typologie, l’auteur est reparti de la distinction établie par Paul Ricoeur dans ses cours sur l’imagination donnés à l’Université de Chicago en 1975, récemment publiés aux éditions du Seuil. Devant ses étudiants, le philosophe dessinait au tableau deux axes permettant de ranger les différents types d’imaginaires : l’axe horizontal (présence vs absence) reprenait à son compte la distinction kantienne entre deux formes d’imagination - l’imagination reproductrice, au sens du « tableau » d’un événement passé, et l’imagination productrice, telle qu’on la retrouve dans la fiction ou les rêves. L’axe vertical, quant à lui, renvoyait aux degrés d’implication du sujet vis-à-vis de l’imaginaire : est-il confusément pris pour la réalité, sur le registre de la croyance (comme dans les hallucinations) ou fait-il l’objet d’une distance critique (comme dans le cas de l’utopie) ?
Le télétravail est-il un “acquis social” ?
Bienvenue dans le conflit social post-confinement. Opposés à la décision de la direction d’imposer un retour au bureau au moins trois jours par semaine, les salariés d’Ubisoft, le géant français du jeu vidéo, se sont mis en grève. L’exemple est emblématique, et concerne en réalité toutes les entreprises qui se posent peu ou prou la question suivante : faut-il revenir sur les pratiques de télétravail installées pendant le confinement - au nom de l’efficacité et, surtout, du sentiment d’appartenance corporate érodé par la distance des équipes ?
Amazon annonçait mi-septembre le retour intégral au bureau en 2025 pour ses 300 000 employés des services administratifs : “En observant ces cinq dernières années, nous continuons de penser que les avantages d’être tous ensemble au bureau sont importants”, expliquait alors Andy Jassy, PDG d’Amazon, dans un message interne. De son côté, la direction d’Ubisoft justifiait sa décision en affirmant que “la créativité est stimulée par les interactions interpersonnelles, les conversations informelles et la collaboration autour d’une même table”.
Faut-il considérer que le télétravail est un acquis social ? Non, répond la philosophe Fanny Lederlin dans les colonnes du Figaro. Premier argument : il n’est pas universel.
“Si on entérine le fait que le télétravail est un acquis social pour les 30 % à 40 % de travailleurs qui peuvent avoir accès au télétravail, que propose-t-on aux 70 % restants ? Le propre d’un acquis social, c’est qu’il puisse concerner l’ensemble de la population active. Ce n’est pas le cas”
Plus largement, la philosophe s’interroge sur “les conséquences sociales et existentielles” du télétravail : bien sûr, sur le plan individuel, la plupart des télétravailleurs se réjouissent d’avoir plus de flexibilité, plus de liberté dans l’organisation de leur travail, plus d’autonomie, etc. Mais puisqu’on peut aujourd’hui “ouvrir sa boite mail, lancer une machine, puis se mettre sur des lignes de code avant d’aller chercher son enfant à l’école tout en répondant à un appel professionnel”, Fanny Lederlin alerte sur la “porosité entre les temps de vie de travail et les temps de vie privée”
“Il y a une sorte d’interpénétration des différents temps de vie, des différents temps existentiels, et cette confusion peut générer un certain nombre de problèmes (…). Le télétravail peut aboutir à une sorte d’existence constamment distraite entre l’attention professionnelle et l’attention à la vie privée”
On pourrait émettre une nuance : le télétravail semble être devenu une sorte d’acquis social de compensation. Pour faire simple : face à la hausse des prix (+20% depuis 2021), le télétravail du vendredi (qui représente … 20% du temps de travail hebdomadaire) a souvent joué le rôle de compensation de hausses de salaires qui n’ont pas suivies. D’où une difficulté accrue de revenir sur la politique de télétravail.
ACTUALITÉS MÉDIA
Les réseaux sociaux à l’ère du “cozyweb”
Rappelons une évidence : non, les réseaux sociaux ne sont pas morts. En attestent les chiffres de connexion : plus de deux milliards de personnes se connectent chaque jour sur Facebook, un milliard chaque mois sur TikTok, 250 millions chaque jour sur X. Simplement, leur usage a changé, explique un long article du journal Le Monde, au point d’inaugurer ce qui commence à ressembler à une nouvelle ère.
“Désormais, les membres de l’agora se taisent. Mais regardent. Continuent de scroller à l’infini, à absorber des contenus. Sur les réseaux sociaux, nous sommes devenus spectateurs, à la recherche d’un divertissement plus que d’une connexion sociale”
C’est qu’aujourd’hui, l’essentiel se passe dans les messageries privées, ou à la rigueur dans les stories privées, mais certainement plus dans le feed public - la masse de contenus publiés a fondu ces dernières années, quelle que soit la plateforme. “Pour s’exprimer, les internautes se retranchent dans des espaces plus protecteurs”, résume l’article, qui évoque le succès des groupes Facebook, des serveurs Discord et autres boucles Telegram, ou encore des messageries privées. WhatsApp, propriété de Meta, compte plus de deux milliards d’utilisateurs actifs mensuels, et affiche une constante progression. Le patron du groupe, Mark Zuckerberg, est allé jusqu’à déclarer au New York Times que pour lui, cette application serait “le réseau social privé du futur, si on recommençait tout à zéro”. “Sur WhatsApp, les individus vont transformer un espace standardisé, industrialisé, en espace à soi, où ils vont pouvoir construire des liens intimes, développer un sentiment d’identité collective”, analyse Marc Jahjah, maître de conférences en sciences de la communication, études médiatiques et cultures numériques à Nantes Université.
Ces espaces restreints constituent ce que l’essayiste américain Venkatesh Rao a nommé, en 2019, le “cozyweb”. S’opposant au Web public, il serait une sorte de “Web pyjama”, un espace douillet, privé mais pas glauque.
Le résultat est sans appel : nous ne partageons plus de Web commun. Si bien que le journaliste américain Ryan Broderick, spécialiste de la culture Internet, estime que nous sommes passés à l’ère “postvirale”, au point qu’il est désormais difficile d’identifier ce qui fait événement sur le Web. Il évoque le cas des vidéos TikTok les plus populaires de l’année : “Les avez-vous vues ? Avez-vous seulement entendu parler de leurs auteurs ? J’en doute !”
La disparition du Web commun : une nouvelle réalité que les marques doivent appréhender dans leur façon de concevoir leur communication digitale.
Pratiques médiatiques et sympathies politiques
Il y a deux ans, une étude de l’ObSoCo et de la Fondation Jean-Jaurès (recensée dans la Cortex Newsletter #22) avait conçu l’expression de “fatigue informationnelle”, qui s’est largement popularisée depuis. À l’occasion de la publication de la deuxième vague de leur enquête consacrée à la multiplication des sources d’information, les deux auteurs, Guénaëlle Gault et David Medioni, se sont attachés à regarder de près les liens entre pratiques médiatiques et sympathies politiques. Cela donne une étude riche d’enseignements.
On apprend par exemple que :
- la consommation quotidienne du JT varie de plus de quinze points entre un sympathisant LFI (44%) et un sympathisant Renaissance (59%) ou LR (60%).
- la fatigue informationnelle est répartie de façon équivalente au sein de tous les partis politiques (entre 51 et 53% des sympathisants disent en souffrir), à l’exception notable des sympathisants EELV (59%).
- le “complotisme d’atmosphère” concerne un gros cinquième de la population française (27%), avec d’importants écarts selon les sympathies politiques (17% chez les sympathisants Renaissance contre 39% parmi les sympathisants Rassemblement National sont d’accord avec l’affirmation: “la version officielle des évènements donnée par les autorités cache très souvent la vérité”).
- dans leurs façons d’être sur les réseaux sociaux, plus du tiers des sympathisants LFI (35%) et RN (33%) disent régulièrement “commenter de façon provocatrice et/ou partager du contenu polémique” (une attitude résumée dans l’expression Need of Chaos)
Cette étude fait écho aux conclusions des États généraux de l’information, qui préconisaient notamment de “consacrer la responsabilité démocratique des acteurs économiques”, en substituant à la RSE la RSED : la responsabilité sociétale, environnementale et … démocratique des entreprises. “Cette responsabilité nouvelle des entreprises s’éprouve en premier lieu dans leur rôle d’annonceur, soutien indispensable au modèle économique des médias d’information”.
“Faut qu’on parle” (Brut x La Croix)
Alors que 77% des Français pensent que la société est divisée (données Destin Commun, août 2024), deux médias, Brut et La Croix, se sont décidés à oeuvrer pour réduire ce qu’on appelle la “polarisation affective”, c’est-à-dire les sentiments négatifs à l’égard de ceux qui sont perçus comme le camp adverse. Avec un dispositif, intitulé “Faut qu’on parle”, qui répond à un objectif : rassembler des personnes qui ne se connaissent pas et qui adhèrent à des oppositions opposées, pour discuter et surtout s’écouter. Il ne s’agit pas tant d’essayer de convaincre l’autre, que de comprendre sa vision du monde.
L’idée est inspirée de l’initiative lancée en 2017 par le journal allemand Zeit Online, sous le nom de My Country Talks, qui a rassemblé près de 300 000 participants dans plus d’une centaine de pays. À l’issue des rencontres, 80 % des participants étaient très heureux de la discussion, 60 % sont restés en contact et 90 % veulent participer à nouveau. Des études scientifiques ont par ailleurs montré que parler deux heures avec quelqu’un qui ne pense pas comme vous contribue à diminuer de 77 % la polarisation affective.
Il y a quelques années, Heineken avait lancé sa campagne #OpenYourWorld avec l’objectif de réduire la “polarisation toxique”, c’est-à-dire l’animosité à l’égard des individus qui ne pensent pas de la même façon.
CHAPEAU L’ARTISTE
Scotiabank - You’re Richer Than You Think
Une fois n’est pas coutume, voilà une campagne tout droit venue du Canada, signée Scotiabank. Si le slogan “You’re Richer Than You Think” date de 2006, ce spot lui en a donné une signification moins matérielle, en cherchant à redéfinir ce que signifie être riche. Le film repose sur un insight que l’on n’aurait pas forcément cru pouvoir être porté par une institution bancaire : l’important, ce n’est pas de se comparer à ce que les autres ont de plus que soi … mais de cultiver ce qu’on a déjà.
Tourisme Bretagne - Partez touriste. Revenez Breton
Nos régions ont du talent ! Un nouvel exemple de marketing territorial réussi, avec cette campagne de Tourisme Bretagne destinée à attirer les Franciliens en arrière-saison. Comme l’explique sur LinkedIn Baptiste Le Provost, Head of Brands de Social Club (l’agence de la campagne), l’enjeu était de résoudre une vraie problématique de marque : comment donner autrement envie de Bretagne ?
La réponse, c’est une signature de marque qui vend la promesse d’un voyage transformationnel : “Partez touriste, revenez breton”. Quatre grands messages sont déclinés sur près de 200 écrans DOOH dans les lieux stratégiques d’Île-de-France : “Partir urbain, revenir marin”, “Partir rincé, revenir ressourcé”, “Partir sceptique, revenir celtique” et “Le seul voisin un peu bruyant, c’est l’océan”.
C’est réussi !
“Léopold Ca-rglass"
Le 24 septembre dernier, Léopold Ca, joueur de basket à l’ASA (Alliance Sport Alsace), réalise un dunk spectaculaire se suspendant de tout son poids au panier. Sous la puissance du geste, la paroi en verre vole en éclats ! La vidéo de l’action est devenue virale et comptabilise près de deux millions de vues sur les réseaux sociaux.
Franceinfo relaie les suites données à l’événement : “La Boutique de l'ASA n'a pas tardé à réagir et a exploité le moment en créant un tee-shirt original baptisé Léopold Ca-rglass”. Conscient du buzz généré par cette séquence rarissime, Tom Roeckel, responsable de la communication de l'ASA, explique sur Francebleu :
“On s'est dit qu'il y avait un truc à faire. On avait prévu de travailler avec DearBBall (une jeune marque française spécialisée dans le basket) pour faire des tee-shirts de trois joueurs de l'ASA cette saison, du coup on a accéléré la collaboration. On espère que cela va prendre et faire parler de nous. C'est le but”
Le jeu de mots est efficace, malin, aussi opportun qu’opportuniste. Preuve s’il en est que la marque Carglass continue à rester une référence chez les jeunes malgré l’évolution des usages !
DERNIÈRES PARUTIONS
Un livre : L’humeur révolutionnaire (Robert Darnton, Gallimard)
Un essai récemment paru s’est intéressé à la fabrique de l’opinion publique à la veille de la Révolution française. Sur près de 600 pages, l’historien américain Robert Darnton, spécialiste du XVIIIe siècle, décortique le long mais inéluctable processus de “fermentation” de l’état d’esprit des Parisiens, de la fin de la guerre de Succession d’Autriche (1748) à la prise de la Bastille en 1789. La réflexion se fonde sur des sources d’une extraordinaire richesse, l’historien ayant accumulé tout au long de sa vie de chercheur un vaste matériel historique qui recense à peu près tout ce qui se disait, s’écrivait et se dessinait dans le Paris de l’époque – les pamphlets, libelles, chansons, poèmes, gravures, estampes, journaux intimes, gazettes, traités, bulletins d’information, mais aussi les conversations de café telles que retranscrites dans les rapports de police. Ce faisant, l’auteur parvient rien de moins qu’à reconstituer le “système d’information de l’Ancien Régime”, “un monde où les médias se chevauchaient et se croisaient, où aucune frontière ne séparait la communication sonore et visuelle”.
La thèse étayée est la suivante : “tout ce que les Parisiens avaient vécu depuis quarante ans les avais rendus prêts à renverser le régime en 1789”. Darnton décrit la lente constitution de ce qu’il appelle L’humeur révolutionnaire, expression qui donne le titre à l’ouvrage. Une humeur présentée comme le résultat d’un processus comparable à celui de la “trempe” : au sens propre, elle désigne la transformation par laquelle un métal se fige et se durcit ; par extension, “elle peut s’appliquer à un état d’esprit ou une attitude mentale”, écrit l’auteur. Cette humeur révolutionnaire s’avère être un précipité composite, irréductible aux seuls affaires et scandales de la cour, aux seules détériorations des conditions socio-économiques (le prix du pain), ou même aux seules œuvres des Philosophes (Rousseau, Voltaire). C’est bien l’agrégat d’un peu de tout cela à la fois qu’il faut penser – et toute la force de l’historien consiste à ordonner ce magma de petits et grands évènements. À la fin des fins, conclut l’auteur, “les Parisiens étaient tous convaincus que le système lui-même était gangréné, qu’il avait perdu sa légitimité. Ils étaient prêts pour le renverser en 1789”.
À lire !
Un film : The Apprentice (Ali Abbasi)
En pleine campagne présidentielle aux États-Unis, un film sur les jeunes années de Donald Trump sort en salles. Concentré sur les années 1970 et 1980, le film montre l’influence du sulfureux avocat Roy Cohn dans l’ascension de Donald Trump. Ce qui est frappant de constater, c’est combien les leçons apprises de son mentor ont façonné l’homme politique qu’il est ensuite devenu :
Rule n° 1: attack, attack, attack. N°2: admit nothing, deny everything. N° 3: always claim victory, never admit defeat.
Le film montre en creux que deux décennies plus tard, Donald Trump a appliqué à la politique les règles qui lui ont permises d’être érigé en “winner” du capitalisme - et ce, de l’immobilier (Trump Tower) à l’aérien (Trump Air), en passant par l’alcool (Trump Vodka) ou l’alimentation (Trump Steaks).
À voir !
Un podcast : Il était une fois le roman (France Culture)
LSD, la série documentaire a récemment proposé un podcast sur le roman, qui nous fait saisir à quel point le format littéraire a été toujours été dépendant des médias et des audiences, ce qui en fait un modèle pour les marques.
Tout commence avec l'explosion de la presse, qui a besoin de feuilletons quotidiens pour motiver des milliers de lecteurs à payer les quelques sous du papier. Tandis que les grands écrivains des siècles précédents étaient devenus des maîtres dans l'art de capter l’audience royale à Versailles, il faut tout changer. Finie la règle des trois unités de temps, de lieu et d'action, instaurée pour se caler sur une soirée dans un salon avec peu d'acteurs ; il faut désormais multiplier les lieux, les personnages et les péripéties pour créer de l'addiction au papier, avec des arcs narratifs complexes. C'est le triomphe de Dumas, Zola, Balzac. Exactement la façon dont les marques ont dû apprendre l'écriture du print, de l'affiche, de la radio puis de la télé et maintenant des réseaux sociaux pour capter l'attention.
Le podcast poursuit avec l'autopsie du roman, qui nous concerne, nous, Français, davantage que les anglo-saxons, car après Proust, tout a semblé bien fade dans notre recherche d'absolu.
S'ensuit le retour du réel, de la Grande Histoire au fait divers, en traversant les méandres de l'autofiction. Impossible de ne pas penser aux péripéties du brand content, des histoires de marques et autres témoignages de dirigeants qui fleurissent pour convaincre par le rationnel.
Le dernier épisode traite des best-sellers, sans révéler de recettes, mais en montrant qu'ils regroupent quelques critères communs malgré l'hétérogénéité de ceux-ci (Lévy, Houellebecq, Vargas, Grimaldi...) : forte charge émotionnelle, projection dans un personnage héroïque, efficacité du récit, effet d'extraordinaire, incarnation de l'auteur qui porte un propos sur le monde.
Autant de leçons de communication pour les marques qui veulent devenir meaningful !
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous le mois prochain pour un nouveau numéro de la CORTEX NEWSLETTER.
En attendant, n’hésitez pas à vous abonner pour recevoir les prochains numéros directement dans votre boite mail.
bravo Havas, toujours de très riches enseignements dans votre NL !
Bravo et un grand merci pour ce partage !