Le travail des imaginaires de la cérémonie d’ouverture, la perception des Français de cette “parenthèse enchantée”, le “choc culturel” des Jeux Paralympiques, le projet fou des “Enhanced Games”, Winning isn’t for everyone (Nike), 1,2,3 Nagez ! (EDF), comment communiquer sans être partenaire officiel de Paris 2024, les audiences record de France Télévisions, Comme des phénix et le complotisme à l’heure des JO … Elles ont fait (ou pas) l’actualité olympique, voilà la veille des idées de Paris 2024.
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LES IMAGINAIRES
Le travail des imaginaires de la cérémonie d’ouverture
La cérémonie d’ouverture de Paris 2024 a été vue par 300 000 Parisiennes et Parisiens sur les bords de Seine, et par plus d’un milliard de téléspectateurs en direct partout dans le monde. Artistiquement conçue par le metteur en scène Thomas Jolly, elle a été pensée en amont par une équipe resserrée articulant plusieurs talents complémentaires : la romancière Leïla Slimani (prix Goncourt 2016), la scénariste Fanny Herrero (créatrice de la série Dix Pour Cent) et l’historien Patrick Boucheron (professeur au Collège de France).
Ce dernier a accordé un entretien-fleuve au Grand Continent, au cours duquel il a livré la façon qui a été la leur de travailler les imaginaires. “Nous avons voulu raconter l’histoire d’une ville qui accueille le monde et qui fait parade de ses puissances imaginantes”, explique-t-il. Plusieurs éléments intéressants à retenir :
1/ Savoir capitaliser et jouer sur ce qu’il y a déjà. La scénographie proposée, divisée en 12 tableaux, s’est articulée autour de la Seine, “protagoniste le plus éloquent de notre scène”. “On ne peut pas construire un décor à Paris, il est déjà là et d’ailleurs ce n’est pas un décor”. Boucheron mobilise un exemple marquant : le jeu autour du chantier de Notre-Dame de Paris.
“Nous savions depuis très longtemps qu’il y aurait encore des échafaudages. Alors autant en jouer […]. Ce que l’on voulait montrer, c’était l’écho entre les bâtisseurs de cathédrale et le chantier de ses restaurateurs — donner à voir l’idée même de réparation, qui ne passe pas par l’effacement des cicatrices. Scénographiquement, une gamme de bruits s’ouvrait à nous avec un autre horizon. Notre-Dame n’était pas seulement un monument, mais quelque chose de moins évident qui nous permettait de passer de l’autre côté de l’image et de décrire ce que c’est qu’une ville-monde au travail.”
2/ La puissance du mélange des genres. L’historien évoque une volonté de “jouer constamment des contrastes entre la singularité parisienne et l’universalité”, depuis Lady Gaga rappelant le Music Hall jusqu’à la scène de la Tour Eiffel où Céline Dion entonne L’Hymne à l’amour. Boucheron parle aussi de “faire rimer pop culture et répertoires” : c’est le cas de la séquence à la Conciergerie où résonne le « Ah ! ça ira, ça ira, ça ira », où on y entend à la fois le groupe de metal Gojira et la chanteuse d’art lyrique Marina Viotti. “Nous ne fusionnons pas, nous montrons simplement que la société est déjà ainsi, en fusion.”
3/ Jouer avec les contraintes. Une cérémonie d’ouverture des JO est composée de trois moments, traditionnellement séparés : un spectacle, une parade des athlètes et un protocole. “Notre idée scénographique de base a été de mêler les trois moments, d’autant plus que le protocole est structurellement ennuyeux : les discours, les serments olympiques, les drapeaux… Il fallait donc disperser le protocole un peu partout, parvenir à le spectaculariser.”
4/ Ne pas imposer son imaginaire, pour que le public y investisse le sien. C’est comme ça que Boucheron parle de cette figure impressionnante du cheval galopant sur la Seine : un “symbole qui reste volontairement mystérieux”.
“Ces douze minutes de traversée de Paris à cheval devaient passer comme un rêve : celui de notre propre rapport à l’imaginaire. La cavalière est ce vous voulez qu’elle soit : elle peut être la déesse gauloise Sequana qui donne naissance à la Seine, elle peut ressembler à Jeanne d’Arc si vous le souhaitez, mais si vous pensez au cheval de Beyoncé cela va très bien aussi. Impossible là encore de discipliner ses connotations […]. C’est dans cette superposition de strates imaginaires, sans la dénotation ou la précision de la référence sur le plan historique, que se produit une image pour le monde entier. Entre la pop culture, l’histoire de Paris et son « fluctuat nec mergitur », ce symbole parle à un Japonais, à une Américaine, à un Nigérien ou à une Norvégienne.”
5/ Ne pas évacuer les stéréotypes, mais les considérer comme un point de départ. Une remarque repérée à l’occasion d’un entretien au journal Le Monde : “On est partis des clichés et on a regardé comment ça se travaillait”.
“Un accordéoniste, les « grandes eaux » de Versailles, les caricatures pour célébrer le rôle particulier de la presse satirique… dès le début, le ton est donné : les idées trop évidentes ne seront pas évacuées, mais plutôt détournées et enrichies de clins d’œil”
Autant de façons de travailler les imaginaires que les marques pourraient appliquer dans leurs propres prises de parole …
L’imaginaire national, oeuvre de composition
De son côté, l’Opinion rappelle qu’une enquête Ifop réalisée pour la Fondation Jean-Jaurès en 2022 montrait la perception d’un déficit abyssal de conteurs nationaux : à la question de savoir qui racontait le mieux la France aujourd’hui, la réponse “personne” arrivait en tête d’une liste de dix émetteurs (artistes, politiques, écrivains, humoristes, etc).
En voulant raconter une France “unie dans la diversité”, comme l’a expliqué Thomas Jolly, la cérémonie d’ouverture a proposé de raconter la France comme une oeuvre de composition :
“Ce qui est puissant dans le discours proposé, c’est qu’il fait la démonstration visuelle que les différences culturelles, temporelles et géographiques peuvent se vivre autrement que comme des archipels en conflit les uns contre les autres.
À l’écran, les pratiques de danse les plus éloignées formaient un tout follement bigarré, mais tirant dans la même direction – et ce, de la danse folklorique auvergnate au voguing, waacking, et autres breaking ; du classicisme à-la-Lully au modernisme électro-pop déjanté, du danseur étoile Guillaume Diop à la Drag Queen Piche.
La France est une œuvre de composition : la preuve avec le duo improbable formé de la garde républicaine et d’Aya Nakamura pour interpréter une chanson d’Aznavour, le tout devant l’Académie française. Plutôt que de s’opposer, voilà les Anciens et les Modernes réunis le temps d’une chanson”
L’OPINION
Voilà longtemps que le marketing, anticipant l’ère de la polarisation, a théorisé qu’il était impossible (et même, non souhaitable) d’être une grande marque qui plaise à tout le monde. Ce que montre la cérémonie d’ouverture, c’est que la richesse du propos, l’accumulation de références culturelles et historiques très différentes, peut parvenir à être oecuménique. Et si le propre d’une grande marque était d’assumer avoir plusieurs facettes, de ne pas être univoque ?
Effet JO Paris 2024 : une simple “parenthèse enchantée” ?
Le laboratoire d’idées Destin Commun a réalisé une double enquête, quantitative et qualitative, pour mesurer la perception qu’ont les Français des Jeux Olympiques. En voici les principaux enseignements.
D’abord, près de huit Français sur dix (78%) ont suivi les Jeux Olympiques, dont la moitié dit même les avoir “beaucoup” suivis. Lorsqu’ils pensent aux JO de Paris 2024, 73% des interrogés citent au moins un adjectif positif (45% “fierté”, 32% “enthousiasme”, 26% “ bonheur”). Dans les focus groups, se dégage un constat partagé : “on a pu de nouveau vivre collectivement des émotions positives”.
“Le moment est d’autant plus précieux et apprécié qu’il n’était pas du tout attendu, qu’il leur semble être arrivé « spontanément ». Pour la plupart des participants, les Jeux Olympiques étaient, au mieux, attendus avec indifférence, au pire redoutés : parce que l’on annonçait le pire en termes d’organisation, de risques sécuritaires, avec la crainte d’être « la risée » du reste du monde si les JO étaient un fiasco.”
Avoir réussi la cérémonie d'ouverture en dépit de la pluie apparaît comme un facteur de fierté supplémentaire : “réussir malgré l’adversité”. Une dimension également présente dans la performance de Céline Dion, malgré sa maladie : véritable acmé du spectacle, la présence de la chanteuse québécoise est évoquée avec beaucoup d’émotion au cours des groupes.
Au final, l’enquête montre que “le sentiment de fierté nationale a été d’une puissance inédite dans tous les électorats” résume Laurence de Nervaux, directrice générale de Destin Commun. “Cette fierté est liée à la surprise d’avoir déjoué le fatalisme de l’échec, à la beauté et à la diversité de notre pays, mais aussi à l’authenticité et à l’humilité des athlètes.”
Dans le même temps, l’étude souligne que malgré un enthousiasme quasi unanime, les Jeux Olympiques n’ont pas atténué le sentiment de division, qui reste très majoritaire dans l’opinion : 77% des Français considèrent que notre pays est divisé, et 54% estiment que nos différences sont trop importantes pour que nous puissions les surmonter. Des chiffres en hausse (+3 points) par rapport à mars 2022, et que Laurence de Nervaux interprète comme la conséquence de la (longue) séquence politique des législatives.
Sur le long terme, plusieurs effets positifs des JO émergent toutefois : pour 55% des Français, ils ont renforcé leur confiance dans la capacité de notre pays à faire face aux problèmes auxquels il est confronté. Les JO ont par ailleurs donné à près d’un Français sur trois (30%) l’envie de pratiquer un sport.
En particulier, l’étude montre que les interrogés souhaiteraient se réapproprier les symboles républicains. Qu’il s’agisse du drapeau (78%) ou de la Marseillaise (77%), tous électorats confondus, les Français les considèrent comme des symboles d’unité et aimeraient qu’ils soient davantage valorisés.
Les Jeux Paralympiques : un “choc culturel” ?
Dans le journal L’Équipe, la maire de Paris, Anne Hidalgo, estime que les Jeux Paralympiques de Paris 2024 vont changer le regard sur le handicap en créant un “choc culturel”.
Cela a commencé dès la cérémonie d’ouverture “inclusive” des Paralympiques, qui s’est déroulée à la Concorde le 28 août. Elle visait, selon son créateur, “à apporter davantage de concorde” dans une société qui “discorde”. “Les corps sont sublimés, lors de chorégraphies, mêlant valides et non valides” relate le journal Le Parisien, qui note toutefois un paradoxe : celui “d’offrir aux 4 400 athlètes une célébration au cœur d’une cité qui, en temps normal, ne permet pas aux personnes en situation de handicap de circuler librement”.
Toujours est-il que les marques ont saisi la balle au bond, et mis leur puissance de frappe publicitaire au service d’une visibilité accrue du handicap dans le sport. C’est le cas de Décathlon et de LVMH, qui ont fait paraître des annonces pour soutenir leurs athlètes paralympiques (Nantenin Keita pour la première, Pauline Déroulède pour la seconde), ou encore du Crédit Coopératif qui signe une campagne : “Continuons à nous mobiliser pour une société qui n’oublie personne”.
Orange, de son côté, a mis l’accent sur une performance hors norme lors des JO de Rio 2016 : pour la première fois, sur l’épreuve du 1500m, un para-athlète a couru 1,71s … de moins que le médaillé d’or olympique. Et de conclure : “Les plus grandes performances se vivront aux Jeux Paralympiques de Paris 2024”.
La BBC (Channel 4), quant à elle, a frappé un grand coup avec sa campagne “Considering What ?”, qui revient sur les commentaires de tout un chacun sur des performances paralympiques, du type : “C’est vraiment fort, ce qu’il fait, étant donné …” (sous entendu : son handicap). Avec puissance, la station de radio publique anglaise scande : “Sport / gravity / friction / time / wind / heat / force / sport doesn’t care about disability”
Ce qui est intéressant, c’est que dans chacune de ces prises de parole publicitaire se dégage une vision particulière du paralympisme : faut-il en faire le porte-étendard d’une société inclusive, parler handicap ou plutôt performance ?
SIGNAUX FAIBLES
Bientôt des “Enhanced Games”, des JO "augmentés" autorisant le dopage ?
Dans L’Express, on découvre le projet fou d’un drôle de duo d’entrepreneurs libertariens, le fondateur de PayPal Peter Thiel et l’entrepreneur australien Aron D’Souza : créer dans quelques années des “Enhanced Games”, ou “Jeux augmentés”, au cours desquels le dopage chimique, génétique mécanique serait “non seulement autorisé mais activement encouragé, afin de repousser les limites de la performance humaine”.
Le coeur de leur argumentaire est fascinant. Aron D’Souza a qualifié l’Agence mondiale antidopage de "force de police anti-science" : à ses yeux, les Jeux augmentés signeraient la fin d’une hypocrisie, car l’amélioration et le dopage auraient, selon lui, des frontières floues. Avant 1968, aucune substance n’était interdite aux JO. Les autorités anti-dopage sont allées jusqu’à prohiber la caféine entre 1984 et 2004, avant de revenir en arrière. Pire : le dopage ferait partie de l’histoire des Jeux. Les fédérations nationales ne couvrent-elles pas leurs athlètes respectifs pour gagner au classement des médailles ?
“L’étude des échantillons prélevés aux JO de Londres par l’Agence internationale de contrôle a conduit au retrait de 31 médailles olympiques et à la réattribution de 46 autres. Certains records établis à une époque où les tests étaient moins stricts sont détenus par des athlètes sur lesquels pèsent de forts soupçons, issus notamment de l’ex-Allemagne de l’Est”
Dans tous les cas, le duo est d’ores et déjà en train de lever des fonds, et promet de rémunérer correctement les athlètes - dénonçant, au passage, le Comité international olympique (CIO) qui ne distribuerait pas suffisamment les 8 milliards de dollars de CA. Pour celui qui battra le record du monde sur 100m, ils envisagent ainsi d’accorder un prix d’une dizaine de millions de dollars : cela représente pas moins de la totalité des récompenses gagnées par Usain Bolt pendant l’intégralité de sa carrière …
Quelle marque oserait participer à un tel événement ?
Les classements alternatifs des médailles
Qui a vraiment gagné les JO ? C’est la question que s’est posée Le Grand Continent qui, en triturant les chiffres de médailles dans tous les sens, estime que le tableau des médailles “révèle des signaux faibles et certaines tendances fortes de la géopolitique planétaire”.
Premier enseignement : avec l’ascension de la Chine, la rivalité sino-américaine structure le sport au niveau mondial. En 2008, les JO de Pékin avaient vu la Chine arriver en première position, détrônant les USA pour la première fois. Depuis, les États-Unis se sont classés premiers pour la quatrième fois consécutive aux Jeux Olympiques. A Paris, les deux puissances ont obtenu le même nombre de médailles d’or (40), mais les Etats-Unis ont récolté davantage de médailles d’argent (44 vs 27), ce qui les place en première position.
L’enseignement européen de cette étude, c’est que si l’Union européenne se présentait comme un seul pays, elle serait de très loin le premier, devant les États-Unis — avec un total de 309 médailles dont 97 en or. Une remarque qui n’est en grande partie qu’une “expérience de pensée” car, comme le précise Le Grand Continent, “son résultat ne pourrait toutefois être la somme linéaire des médailles obtenues par les 27 États qui la composent”. Eh oui : quand aujourd’hui deux Européens se disputent le podium, cela ne ferait plus qu’une seule médaille … Mais il serait possible de retourner l’argument : en ne sélectionnant que les meilleurs sportifs du continent, on peut supposer qu’une équipe européenne plus réduite aurait un niveau plus élevé.
“Ainsi, une équipe de basket « Team Europe » aurait pu aligner plusieurs champions européens dans la même équipe — avec par exemple le Slovène Luka Doncic, le Grec Giannis Antetokounmpo ou le Finlandais Lauri Markkanen, à côté du Français Victor Wembanyama… — avec de plus fortes chances d’emporter l’or.”
Pour finir, l’article parle de l’Océanie comme “le géant caché du sport mondial” : avec respectivement 20 médailles et 39 médailles pour 10 millions d’habitants, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont respectivement deuxième et première dans un podium ratio médaille par million d’habitant, composé par les pays de plus de 5 millions d’habitants.
De son côté, Le Monde a proposé ses propres classements alternatifs des médailles : dans ceux calculant le nombre d’habitants par médaille et les médailles selon la richesse produite par le pays, une autre géographie apparaît, mettant en valeur des pays comme Grenade, Dominique ou Sainte-Lucie.
LES MÉDIAS
Les audiences de Paris 2024 : un succès historique pour France Télévisions
En 2019, France Télévisions obtenait l'exclusivité des droits audiovisuels “en clair et en direct” des Jeux Olympiques de Paris - une victoire remportée de haute lutte contre TF1 et M6. La chaine de télévision publique espérait de fortes audiences … les chiffres qui ont été diffusés dans la presse et sur les réseaux sociaux par le directeur des sports de France Télévisions, montrent que les résultats sont même largement au-dessus des espérances.
Jugez plutôt. 60 millions de français ont suivi les Jeux Olympiques sur les antennes de France Télévisions : cela représente 94% des Français âgés de plus de quatre ans, et même 99% des Français âgés de plus de quinze ans. En moyenne, chaque Français (âgé de plus de 4 ans) a regardé pas moins de … 24 heures de JO. Soit, en cumulé, 1,6 milliard d’heures consommées.
La cérémonie d’ouverture est devenue la meilleure audience de l’histoire de la télévision en France avec 24,4 millions de téléspectateurs (83% PDA) en moyenne. La cérémonie de clôture a quant à elle réalisée une audience moyenne de 17,1 millions de téléspectateurs (77% PDA).
Les meilleures audiences des épreuves :
- 15,0 M pour la médaille d’or 🥇 de Léon Marchand en 200m 4 nages
- 14,0 M pour la médaille d’or 🥇 de Léon Marchand en 200m brasse
- 13,2 M pour la médaille d’or 🥇 de la France en judo par équipes.
- 12,9 M pour la médaille d’or 🥇 de Léon Marchand en 200m papillon
- 11,8 M pour la médaille d’or 🥇 de la France en Rugby à 7.
Au-delà des audiences, les annonceurs ont également été au rendez-vous. Dans une interview au Figaro, Marianne Siproudhis, la directrice générale de France Télévisions Publicité, revendiquait un chiffre d’affaires publicitaire net “record pour les JO et les paralympiques de 104 millions d’euros”. Un “succès publicitaire sans précédent”, qui permet à France Télévisions de rentrer en partie dans ses frais : l’acquisition des droits de retransmissions des JO de Pékin 2022 et Paris 2024 frôlait les 130 millions d’euros.
Joli succès également pour le Jeux Paralympiques qui se sont tenus du 28 août au 8 septembre. Ces derniers ont bénéficié d'une exposition inédite sur France Télévisions, avec 300 heures de retransmission en direct, contre 100 pour l'édition précédente, à Tokyo en 2021, et moins de 10 heures pour Londres en 2012.
La cérémonie d’ouverture a rassemblé 10,5 millions de téléspectateurs de 4 ans et plus pour une part d’audience (PDA) de 52,4%. La cérémonie de clôture a, quant à elle, été suivie par 7,7 millions de français (37,7% de PDA).
Tous les publics ont répondu présent : près de 80% des 15-24 ans, des actifs, des hommes et desfemmes ont suivi les Jeux Paralympiques sur France Télévisions.
Dans le top des audiences, on retiendra les pics à 5,3 millions de téléspectateurs pour la finale de cécifoot, 5,2 millions pour la session d’athlétisme du dimanche 1er septembre et les 4,5 millions pour la médaille d’or d’Alex Portal en natation le 30 août.
Grâce aux Jeux Olympiques puis aux Paralympiques, les chaînes du groupe France Télévisions affichent au cumul 34,0% de part d’audience vs 18,5% en août 2023 (source : Médiamétrie Médiamat). Juillet puis août, c'est la première fois que France 2 devance TF1 sur deux mois entiers depuis la privatisation de cette dernière en 1987.
Le Parisien : “Au coeur de la rédaction”
Une belle innovation éditoriale que ce spot vidéo d’un peu moins de huit minutes, qui revient sur la façon dont près de 200 journalistes (sur une rédaction qui en compte 400) ont travaillé pour “informer, accompagner et émouvoir les lecteurs et abonnés dans toutes les dimensions des Jeux et sur tous les supports du Parisien : journal, site, vidéo, podcast...”
Le choix éditorial est fort : “Il n’y a plus de service des sports, de service société ou de service économie : il n’y a plus qu’une rédaction au service des Jeux”, explique Benoît Lallement, responsable du pôle sport.
L’initiative est louable, le format est sympathique, l’esthétique bien léchée, mais un regret, que l’on partage avec Kéliane Martenon qui a déclaré sur X : “J’aurais aimé voir des débats sur des Unes, des dilemmes de traitements édito’, le choix des icono’…”
Chant du cygne, ou renouveau ? À l’heure de l’IA, et si Le Parisien avait aussi cherché à faire la démonstration que l’avenir du journalisme passe par d’importantes rédactions, peuplées de “vrais” journalistes ?
LES CAMPAGNES
Nike - “Winning isn’t for everyone”
Si les campagnes de Nike sont toujours scrutées avec attention, c’est qu’elles donnent souvent le la du monde publicitaire. À l’occasion des Jeux de Paris 2024, allait-on voir une campagne d’engagement sociétale à-la-Kaepernick ? Eh bien, pas du tout : de façon assez surprenante, Nike a axé la sienne sur la performance sportive, et sur l’état d’esprit si caractéristique des vainqueurs, ceux qui ont la gagne - quitte à être plus le “vilain” que le “héros”.
À première vue, on pourrait estimer que la campagne ne diffère pas radicalement de son slogan historique “Just Do It”. Ce qui change, c’est que la performance n’est plus représentée comme une notion accessible à tous (avec la fête des bons sentiments qui l’accompagnait traditionnellement) : elle devient le propre d’un groupe de gens bien particuliers - une sorte d’élite de vainqueurs qui, pas ailleurs, ne sont pas très sympas.
Cette campagne s’inscrit dans la continuité de celle déployée dans les rues de Paris à l’occasion de l’Euro de football, en juin dernier. Elle nous semblait un tantinet à côté des enjeux de l’époque : à l’heure où la santé mentale est un enjeu de santé publique, et qu’un nombre croissant d’athlètes osent s’exprimer sur leur difficile gestion de la pression, comment peut-on afficher en grand un Kylian Mbappé scandant : “Pressure is my pleasure” ?
EDF - “Donnons à Paris 2024 l’énergie de briller”
Dans la catégorie des manifestes de marque, le film d’EDF brille par son lyrisme. Et pourtant, la chose n’était pas facile. Comment, sans paraitre trop corporate, prôner son engagement : l’électricité fournie aux JO Paris 2024 sera d’origine renouvelable ? En versant dans la poésie et l’émotion.
Plus tôt que les autres, EDF a eu l’intuition qu’il fallait parler de l’héritage de Paris 2024. Depuis l’été 2021, l’électricien, partenaire premium des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, a lancé le programme “1, 2, 3, Nagez !”, pour permettre aux jeunes d’apprendre à nager - répondant ainsi à un véritable enjeu de santé publique : dans certains territoires en France, un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en 6e. Bilan des courses : depuis son lancement, 100 000 jeunes ont suivi ce programme. Une prouesse.
Mais ce qu’on retiendra du lien entre EDF et les Jeux de Paris 2024, c’est avant tout : la vasque olympique. Symbole fort de la cérémonie de clôture, EDF a contribué à concevoir cet “anneau-flamme”, avec une innovation technologique : une flamme sans combustible, faite d’eau et de lumière, qui ne brûle pas mais qui illumine. Chapeau l’artiste !
Et LVMH devint un annonceur
C’est un cas d’école de stratégie de marque : en devenant partenaire premium des Jeux de Paris 2024, LVMH a utilisé le sponsoring pour émerger en tant qu’annonceur. Traditionnellement, l’entité LVMH s’effaçait derrière ses maisons : pendant quinze jours, c’est bel et bien la marque LVMH qui a pris la parole. Et ce, tous azimuts : très visible lors de la cérémonie d’ouverture (la Samaritaine), on retiendra la malle Louis Vuitton qui a transporté les médailles, le sponsoring sur la Tour Montparnasse (“A nous deux, Paris !”), ou encore une campagne presse qui a valorisé les savoir-faire artisanaux des différentes maisons du groupe.
Communiquer sans être un partenaire officiel de Paris 2024
Lorsque des partenaires déboursent plusieurs dizaines (voire centaines) de millions d’euros pour pouvoir utiliser les termes “Paris 2024” ou “olympique”, d’autres marques ont réussi à communiquer de façon maligne dans la période, en contournant les interdits.
C’est le cas de Gleeden, l’application de rencontres extra-conjugales, qui a envahi le métro parisien du 22 juillet au 14 août (pile pendant la quinzaine olympique) avec une campagne d’affichage centrée sur ce slogan provocateur, sous la forme d’un clin d’oeil aux sponsors des Jeux : “Qui a dit que tous les partenaires devaient être officiels ?”
Sur les réseaux sociaux, les Community Managers se sont donnés à coeur joie, surfant sur telle ou telle micro-tendance en espérant “gratter le buzz”. Un exemple avec Lidl, qui a capitalisé sur la popularité des tweets d’Antoine Griezmann informant chaque nouvelle médaille française pour promouvoir … un médaillon de poulet.
Preuve, peut-être, que les campagnes les plus audacieuses de cet été étaient à trouver du côté des hacks : ainsi de Netflix, qui a utilisé intelligemment la dramaturgie du 100m pour lancer la saison 2 de sa série phare, Squid Game.
Mais la médaille d’or de la récupération publicitaire revient sans doute à la compagnie de VTC Heetch, qui a détourné le célébrissime spot de Nike pour les Jeux de Londres 2012 (“Find your Greatness”), promouvant le dépassement de soi par le sport, avec un film encourageant l’exact inverse, porté par une signature osée en pleine quinzaine olympique : “Heetch, sponsor officiel de la flemme”.
L’offre de McDonald’s cartonne. On imagine aisément la marque en sponsor officiel des Jeux Olympiques … ce n’est pourtant pas le cas !
Los Angeles 2028 s’illustre déjà par … son branding
Lu dans La Réclame. Lors de la cérémonie de clôture de Paris 2024, la passation à Los Angeles pour les Jeux Olympiques de 2028 a donné à voir l’identité graphique de “LA28” : un “logo system” très astucieux qui permet à chacun de personnaliser l’emblème des Jeux de Los Angeles, avec un “A” propre à chaque sportif, créateur ou artiste. “Creating the Games Together” annonce même le site officiel de LA28 : la promesse est même que chacun ait son logo LA28 personnalisé.
“L’identité de LA28 va ainsi vivre et s’adapter tout au long des quatre prochaines années qui nous séparent de la prochaine quinzaine olympique” commente La Réclame. Dans le “line-up” inaugural, on retrouve les logos de Kobe Bryant, Reese Witherspoon, Jagger Eaton, Alex Morgan ou Kate Courtney. “Si aucun générateur n’est encore disponible, on imagine que cela ne saurait tarder”. Hâte !
PROLONGER LES JEUX
Un documentaire : Comme des phénix : l’esprit paralympique (Netflix)
Sorti en 2020, ce documentaire original Netflix est à ce jour le plus complet sur l’histoire du mouvement paralympique. Né en 1948 sous l’impulsion du neurologue Ludwig Guttmann, considéré comme le père fondateur des Jeux paralympiques, le paralympisme affiche sa mission de changer le regard sur le handicap grâce au sport.
Avec la qualité de sa réalisation et l’esthétisme qu’on lui connaît, Netflix met en valeur neuf athlètes paralympiques qui racontent leur parcours de vie, empreint de maladie ou d’accident, avant de devenir des champions hors pair. C’est le cas, par exemple, de Béatrice Vio, une escrimeuse italienne : atteinte d’une méningite foudroyante à 11 ans, elle est amputée des quatre membres. A Paris, la double championne paralympique d’escrime (2016, 2020) s’est inclinée dès les demi-finales …
À voir !
Un podcast : Les Jeux olympiques du complotisme (Complorama)
Depuis maintenant plus de trois ans, le podcast Complorama, animé par Rudy Reichstadt (directeur de site Conspiracy Watch) et Tristan Mendès France, spécialiste de l'extrémisme en ligne, se propose de décrypter et d’analyser l’activité de la complosphère, avec des épisodes de 25 min très didactiques, toujours en lien avec l’actualité.
À la veille de l’été, ils ont consacré un épisode passionnant aux “Jeux olympiques du complotisme”. Après avoir battu en brèche les différentes théories complotistes qui visent les Jeux de Paris 2024 (propagation d’un virus, attaque terroriste, …), ils rappellent que l’olympisme inspire la sphère conspirationniste depuis … au moins les années 1970. En 1972, les JO de Munich sont endeuillés de l’assassinat de 11 athlètes israéliens, après avoir été pris en otage par un commando terroriste palestinien. À l’époque, certains proto-complotistes pensaient qu’il s’agissait d’un coup monté par le Mossad - l'objectif caché des services secrets israéliens serait de "fabriquer artificiellement une menace terroriste inexistante à un moment où la Guerre froide s’essoufflait et où l’Occident avait besoin de s’inventer un nouvel ennemi", explique Rudy Reichstad.
A chaque fois, on retrouve une même vision complotiste où les JO “ne sont pas le centre de l’histoire, mais juste un prétexte", analyse Tristan Mendès France. "L’idée, c’est que des entités utilisent cet événement sportif pour comploter ailleurs”.
Instructif !
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous dans quelques jours pour le numéro de rentrée de la CORTEX NEWSLETTER. Bonne reprise à tous !
En attendant, n’hésitez pas à vous abonner pour recevoir les prochains numéros directement dans votre boite mail.