S’engager à l’ère “Trusk”, la génération Amazon, mobilité et santé mentale, le burn-out des chefs d’entreprise, un nouveau business model pour les mariages, la “néophilie”, Partir un jour … Elles ont fait (ou pas) l’actualité de ces dernières semaines, voilà la veille des idées utiles à la communication.
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MARQUES DANS LA CITÉ
Lancé en 2018, L’Observatoire des marques dans la Cité s’est donné pour mission d’analyser l’engagement politique des marques - avec un volet “offre”, qui revient sur les principales prises de position des marques, et un volet “demande”, qui interroge les attentes de la population française à ce sujet.
La troisième édition, récemment publiée, a pour thème “s’engager à l’ère Trusk” (contraction de Trump + Musk). En voilà les principaux enseignements.
2016-2025, d’un Trump à l’autre
En 2016, l’élection de Donald Trump avait occasionné une importante politisation des grandes marques américaines, sur le thème du “contre-pouvoir” : pour les Nike, Budweiser, Diesel & co, il s’agissait de réaffirmer une certaine vision (progressiste / Démocrate) de l’Amérique, en opposition avec celle incarnée par le président nouvellement élu.
En 2025, le retour de Donald Trump aux affaires s’est accompagné d’une série de revirements (fin de la DEI, retour du fossile) qui a contribué à remettre l’entreprise aux ordres. Une illustration marquante : lorsque Donald Trump déclare vouloir renommer le golf du Mexique “golf de l’Amérique”, Google Maps s’exécute dans la nuit.
Le paradoxe notable, c’est que la période marque à la fois le grand retour de la puissance politique (26 décrets signés dès le premier jour de son intronisation, multiplication des signes de la force) et, dans le même temps, une inféodation de la politique au business. Pour reprendre les mots de l’historien Timothy Snyder :
“L’idée de Musk, c’est de transformer le gouvernement américain en l’une de ses entreprises, la plus importante”
Ce qui se dessine, c’est un nouveau modèle hybride d’“Etat-entreprise”. Un certain nombre de penseurs libertariens, comme Curtis Yarvin, ont théorisé l’idée selon laquelle la forme la plus optimale de gouvernement serait une sorte de “monarchie start-up”, de façon à gouverner les Etats-unis comme une entreprise. Ainsi a-t-on vu des CEO nommés ministres, le DOGE devenir une entité de “cost-killer” de l’administration, et les négociations internationales menées à la manière d’un deal.
Une profonde demande d’engagement politique des marques
Une fois ce contexte posé, la grande question est de savoir ce qu’en pensent les Français. Le premier enseignement, c’est que dans le contexte du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, 85% des Français estiment que les entreprises doivent continuer à s’engager dans la société - une petite moitié souhaitent qu’elle s’engagent autant qu’avant (47%) et près de quatre Français sur dix souhaitent même qu’elles s’engagent davantage qu’avant (38%).
Ce qui impressionne, à la lecture des chiffres, c’est la maturité du grand public sur la politisation des marques : 78% des Français sont d’accord pour affirmer que “les entreprises font de la politique”. A l’inverse, ils sont 90% (!) à estimer que “les hommes politiques n’ont plus de projet de société” (en hausse de 16 points par rapport à 2018).
Autres chiffres intéressants : dans un moment où un nombre croissant de patrons français semblent s’interroger sur la possibilité de s’engager dans une campagne présidentielle, 59% des Français estiment qu’“un chef d’entreprise ferait un bon président de la République”. Ils sont 10 points de plus (69%) à considérer qu’“un chef d’entreprise ferait un bon Premier ministre”. À la question de savoir s’ils souhaiteraient “l’arrivée d’une personne comme Elon Musk pour mener les réformes en France”, le refus est net : 83% des interrogés répondent par la négative.
Pour plus de détails, n’hésitez pas à vous rapprocher des équipes du planning d’Havas Paris (la prez est super).
ZEITGEIST
Récits et contrat social
Un constat semble unanimement partagé : le contrat social d’aujourd’hui dysfonctionne ; il manque à ses promesses fondamentales, et pour beaucoup, il ne tient pas ses engagements.
Dans une note publiée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), François-Xavier Demoures et Marion Bet se sont intéressés au rôle et à la place des récits dans la construction du contrat social, défini comme “la configuration historique qui englobe les droits dont nous jouissons, les devoirs que nous acceptons, les responsabilités qui incombent aux institutions et les récits auxquels nous croyons”. Or, expliquent les auteurs, tout contrat social repose sur un récit. Ou plus exactement, tout contrat social peut être appréhendé comme un “assemblage historique de narratifs” issus d’idéologies diverses (méritocratie, autonomie, ascension sociale, droit au travail, égalité pour toutes et tous, etc.)
“C’est cet écart entre le récit et le réel, c’est-à-dire entre la promesse et les actes, qui contribue à la crise du contrat social : discours politique, droit, culture et médias, etc., font le récit d’une société fondée sur un ensemble de valeurs méritocratiques, où l’ascension sociale est possible, et le travail reconnu, et qu’à l’opposé beaucoup font une expérience différente : ascension sociale impossible, dévalorisation des travailleurs essentiels, école reproductrice d’inégalités”
En s’appuyant sur l’histoire des idées et les sciences sociales, les auteurs identifient quatre dimensions essentielles à notre contrat social moderne, quatre “pactes” : Démocratie, Travail, Sécurité et Consommation. Chaque pacte est incarné par un récit dominant et son ou ses récits alternatifs.
Pour les auteurs, chaque tradition politique s’attache à combiner les différents pactes constitutifs du contrat social en les hiérarchisant. Mieux encore :
“Un récit politique efficace ne se contente pas d’articuler entre eux les pactes du contrat social : il s’appuie sur les récits dominants de chaque pacte et sur la façon dont leurs publics cibles les internalisent ou les négocient, pour les réorienter à leur profit […]. Pour qu’un récit politique obtienne les effets recherchés, il lui faut une intrigue type qui présentera des similitudes avec l’expérience vécue et offrira des éléments de résolution à la crise du contrat social”
Exemples : tandis que le pacte Travail est le pivot du récit éco-socialiste et du récit libéral-mondialisateur, le premier autour de la notion de solidarités, le second autour de la méritocratie, le récit conservateur-identitaire, lui, se structure davantage autour du pacte Sécurité.
Les auteurs notent la spécificité du pacte Consommation : “le récit consumériste apparaît comme étant le plus intériorisé de l’ensemble des récits. Il semble tant naturalisé ou intégré par les personnes interrogées qu’elles n’identifient pas toujours spontanément comme consommation ce qui relève de la consommation”.
Sur le sujet de la transition écologique, ils en concluent qu’à l’encontre de l’illusion d’un grand récit, unique et mobilisateur, qui “génère une croyance quasi miraculeuse en un récit venu d’en haut”, il faudrait plutôt chercher un récit de contrat social composé de “petits” récits articulés autour des quatre pactes du contrat social (Sécurité, Consommation, Travail et Démocratie).
À suivre cette étude, les marques qui souhaiteraient entrer dans la nouvelle ère politique devraient réfléchir à un discours qui articule l’ensemble des quatre “pactes” … Pour l’heure, aucune n’a su le faire.
Une “Génération Amazon”
À l’occasion des 25 ans de présence d’Amazon en France, Jérôme Fourquet a réalisé une enquête dont les principaux enseignements ont été publiés dans une note interne à l’Institut de sondage Ifop.
D’abord, un constat : malgré les polémiques et les nombreuses oppositions dont la marque fondée par Jeff Bezos fait l’objet, Amazon jouit d’un impressionnant taux de pénétration dans la population française - 91% des Français achètent sur Amazon, et 29% le font même régulièrement, cette proportion ayant presque doublé par rapport à 2021 (15%).
Ensuite, un enseignement : on constate d’importants écarts de pratiques de l’ordre de 20 points entre les moins de 40 ans, qui avaient au plus 15 ans en 2000 lors de l’apparition du e-commerce et qui y ont donc toujours eu accès dans leur vie adulte (56% d’entre eux sont des acheteurs en ligne régulier) par rapport aux plus de 40 ans, pour qui cette pratique est arrivée plus tardivement dans leur vie et qui sont restés davantage ancrés dans des comportements acquis de longue date (et pour lesquels la proportion d’acheteurs réguliers en ligne tombe à 37%). C’est la raison pour laquelle Fourquet parle de “Génération Amazon” : 41% des moins de 40 ans achètent régulièrement sur Amazon contre 23% des plus de 40 ans.
La conclusion, c’est qu’Amazon s’est imposé comme une figure centrale de l’évolution des pratiques de consommation, devenant “à la fois témoin, acteur et révélateur de bouleversements profonds”. La marque a notamment créé chez les moins de 40 ans un nouveau standard de consommation : vite acheté, vite livré.
À la lecture de cette étude, une question nous traverse : à quoi ressemblera dans quinze ans la “Génération Shein” ou la “Génération Temu” ? Ces deux plateformes proposent des expériences d’achat radicalement différentes, qui ne peuvent pas ne pas avoir de conséquence sur la psyché consommatoire …
Mobilité et santé mentale
Douze mois, douze études. Un an après sa création, l’Institut Terram, le think-tank consacré aux problématiques territoriales, continue de marquer l’actualité éditoriale.
Dans une nouvelle étude réalisée en partenariat avec l’Alliance pour la Santé Mentale, l’Institut Terram s’est penché sur l’impact de la mobilité sur la santé mentale. D’après leur enquête, les difficultés des transports quotidiens apparaissent comme un facteur déterminant dans la souffrance psychique : 41 % des personnes ayant connu des symptômes dépressifs estiment que leurs problèmes de déplacement en sont en partie la cause.
Logiquement, plus la distance parcourue est importante, plus les effets se font sentir : au-delà de 50 kilomètres, 67% des interrogés disent que ces trajets quotidiens pèsent directement sur leur santé, contre seulement 19 % en dessous de cinq kilomètres.
Autre enseignement, le niveau de stress varie selon le mode de déplacement. La marche, utilisée seule, est associée au plus faible niveau de stress (14 %), suivie de la voiture (17 %) et de la marche couplée à un autre mode (21 %). Le train (28 %), le bus ou le covoiturage (30 %), le vélo (32 %), puis le métro ou le tramway (34 %) génèrent un stress plus marqué. Les deux-roues motorisés (40 %), la trottinette (41 %) et, surtout, l’autopartage (49 %) apparaissent comme les modes les plus anxiogènes.
Voilà une enquête qui offre de précieux insights sur la mobilité douce. Cette dernière semble souffrir d’importants freins … psychologiques. Des freins à lever si l’on veut réussir la transition dans les transports.
SIGNAUX FAIBLES
Aux États-Unis, les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à démissionner
C’est l’alarme lancée par le Wall Street Journal, chiffres à l’appui. Selon Challenger, Gray & Christmas, qui recense les départs de cadres supérieurs aux États-Unis, 373 patrons de société cotées en Bourse ont quitté leur poste l’année dernière, soit une hausse de 24% par rapport à 2023. Parmi les entreprises américaines comptant au moins 25 employés, 2 221 dirigeants ont présenté leur démission l’année dernière, un record.
L’article dépeint des patrons au bord de l’épuisement. Alors qu’ils espéraient que leur casse-tête s’atténuerait après la pandémie, les chefs d’entreprise ont été confrontés à une nouvelle salve de problèmes : l’intelligence artificielle, les droits de douane ou encore la possibilité d’une récession.
“C’est une période très compliquée pour diriger. Compte tenu des pirouettes étranges de l'économie et de la nouvelle administration, même les meilleurs dirigeants ont du mal à garder le cap”
Plus largement, la transformation du rapport au travail dont la Cortex Newsletter a souvent parlé pour les salariés, semble avoir atteint les patrons. Ainsi de l’exemple de Ron Beyer, ancien directeur d’une société de gestion de patrimoine près de Washington, qui à 49 ans a décidé de freiner sa carrière en déménageant à Porto Rico. Il gagne moins bien sa vie qu’auparavant, mais il profite davantage des matchs de baseball de ses fils.
“Quand j’y pense, je vois les longues journées et le stress . J’ai l’impression que chaque dollar gagné en plus n’a plus la même saveur et m’empêche de voir grandir mes enfants”
Il fut un temps où il allait de soi que les étoiles montantes visent les plus hautes sphères. Aujourd’hui, “de nombreuses entreprises s’inquiètent de leur capacité à retenir les collaborateurs à fort potentiel et se demandent même s’ils sont intéressés par des postes de direction”, explique Elysca Fernandes, directrice des services de recherche et de conseil en ressources humaines chez McLean & Co, un cabinet de conseil.
Décidément, après les artistes, les sportifs ou les YouTubeurs, c’est au tour des patrons d’exprimer leur malaise et leur ras-le-bol du stress. La santé mentale, grande cause du travail ?
Les centres-villes, en périphérie de la consommation ?
Dans La Gazette des communes, Pascal Madry, directeur de l'Institut pour la Ville et le Commerce rappelle que les centres-villes ne captent plus que 11 % des dépenses de consommation des Français (contre 67 % pour le commerce de périphérie, 11 % pour l'e-commerce et 11 % pour le commerce de quartier ou en milieu rural isolé). “S'ils restent au coeur des territoires, les centres-villes figurent désormais à la marge des modes de consommation” en conclut-il.
Le chercheur associé en urbanisme et en immobilier commercial pointe les difficultés des commerces de centre-villes de villes moyennes. En particulier, les commerces du textile reculent : en 2010, ils représentaient une boutique sur trois dans les centre-villes, contre 22% aujourd’hui.
En média, les marques sont toujours en recherche d’un “contexte favorable”, d’écrins dans lesquels elles émergeront davantage - avec des audiences mieux ciblées, plus attentives aux messages produits, etc. Et si le centre-ville redevenait un espace où les marques pouvaient ré-exprimer quelque chose de puissant ?
Vers un nouveau business model du mariage : inviter des inconnus
Une pépite repérée par Le Figaro. La start-up Invitin s’est lancée en 2024 sur un credo bien précis : permettre à des particuliers de payer pour assister à des mariages. Un modèle gagnant-gagnant : côté invités, c’est l’opportunité de profiter de moments exceptionnels ... Côté mariés, cela permet de récolter quelques centaines ou milliers d’euros pour financer leur célébration. Sur son site, Invitin assure que le prix de la soirée s’échelonne de 150 à 400 euros par tête, avec une commission de 15% pour chaque entrée.
La fondatrice de Invitin, Katia Lekarski, a un storytelling bien rodé :
“Un jour, ma fille de cinq ans m’a demandé pourquoi nous n’étions jamais invitées à un mariage. J’ai toujours eu ce sentiment que c’était un endroit très privé dans lequel nous n’avions pas le droit d’aller. J’ai donc décidé de l’ouvrir à tout le monde”
S’ils sont certes inconnus, ces invités seront triés sur le volet, assure-t-elle. “Les profils seront bien évidemment modérés avec une charte de conduite qui devra être signée et une assurance incluse”. Par exemple, les clients devront “bien se tenir, ne pas boire trop d’alcool”, et ne pas faire de l’ombre aux mariés, qui doivent rester “les plus importants de l’événement”.
Idée à suivre !
ACTUALITÉS MÉDIA
Première série Netflix tournée à l’énergie solaire
Dans Télérama, on apprend que le soap opera “Nouvelle Vie à Ransom Canyon” est devenue la première série Netflix à revendiquer un tournage quasi exclusivement alimenté par l’énergie solaire.
Ce cas particulier, espère Télérama, illustre la prise de conscience d’une industrie dont l’impact carbone est considérable. Rien qu’en France, selon l’étude publiée par l’association Ecoprod en 2020, les émissions du secteur audiovisuel équivalaient à 1,7 million de tonnes.
En France, les plateaux se convertissent peu à peu aux pratiques vertueuses, sous l’impulsion d’organismes spécifiques. En avril dernier, TF1 a annoncé que sa série Plus belle la vie avait obtenu le label Ecoprod pour ses efforts en faveur d’une production écoresponsable.
Des avancées prometteuses, même si la décarbonation des plateaux ne représente qu’une partie du problème : à l’autre bout de la chaîne, rappelle l’article, la pollution générée par le streaming pèse bien plus lourd encore …
Chez les jeunes, ChatGPT avant Google ?
Près de la moitié (46,7%) des utilisateur de ChatGPT sont des jeunes de 18 à 24 ans, tandis qu’ils ne représentent que 24,7% des utilisateurs Google.
Derrière ce différentiel se cache une “nouvelle révolution silencieuse”, explique sur LinkedIn Cécilia Gabizon, qui y voit “une nouvelle façon d’entrer en relation avec l’information, plus construite, plus conversationnelle”. De fait, une requête moyenne sur ChatGPT comporte 23 mots, contre seulement 4 sur Google.
“Le résultat : des réponses moins formatées, plus éditorialisées, plus synthétiques, qui ne se contentent pas de rediriger vers des liens, mais qui construisent un début de savoir, un cadre d’interprétation. L’utilisateur ne cherche plus une page web : il cherche une conversation, une explication, un chemin”
Pour les entreprises et les médias, c’est un tournant stratégique : être bien référencé sur Google ne suffit plus, il faut exister dans “l’univers mental des IA”.
Dans une étude réalisée récemment par Havas Market, on lit que 47% des consommateurs passent à l'acte d'achat après avoir consulté une IA dans le cadre de leur recherche. Par ailleurs, ces outils représentent une source d’inspiration pour 61 % des utilisateurs, et renforcent la confiance de 42 % d’entre eux.
L’IA mettra-t-elle un terme à l’épidémie de solitude ?
Dans The Solitude Generation, Zoé Scaman fait le constat d’un monde paradoxal, fait de connexion permanente et de néant relationnel. Les chiffres sont impressionnants :
Aux États-Unis, le temps passé à socialiser en personne a chuté de plus de 35 % depuis 2003 ; en Europe, un tiers des jeunes de moins de 30 ans ne voient plus personne “en vrai” au moins une fois par semaine ; en Corée du Sud, les mariages ont chuté de 40 % en une décennie, et la natalité atteint aujourd’hui le taux le plus bas du monde (0,72 enfant par femme). Même les rues trahissent cette désagrégation du lien : les vitesses de marche ont augmenté, tandis que le temps passé à flâner en public s’est effondré.
Cette évolution est le fruit d’un faisceau de facteurs technologiques, économiques et politiques. D’une part, le digital a redéfini les modalités de la présence. Il est désormais possible d’être entouré constamment sans jamais rencontrer personne. D’autre part, l’insécurité sociale croissante, le recul des lieux de vie collective (cafés, associations, transports) et l’individualisme rampant ont fait du repli une posture par défaut.
Cette solitude se double d’un climat de méfiance généralisée. Le débat public est remplacé par l’affrontement algorithmique. Les jeunes adultes se détournent du dialogue et considèrent pour certains (jusqu’à 50 %) que l’activisme hostile, incluant attaques en ligne ou désinformation, est un moyen légitime d’action. Dans un nombre croissant de pays, les clivages idéologiques entre sexes ou classes sociales deviennent si profonds qu’ils brisent les amitiés, empêchent les discussions, fragmentent les cercles familiaux.
Dans dans un entretien vidéo réalisé par le Youtubeur Dwarkesh Patel, Mark Zuckerberg a déclaré avoir trouvé une solution contre cette épidémie de solitude (“a cure for loneliness”) :
“The average American has, I think, it’s fewer than three friends. And the average person has demand for meaningfully more. I think it’s like 15 friends, AI chatbots trained to have different personalities could help fill that void”
L’idée avancée par Mark Zukerberg que l’IA pourrait se substituer aux amis ou partenaires est un déni de la fragilité humaine. Évidemment, tout ceci n’a pour seul but que de nous faire passer davantage de temps sur ses plateformes, à maximiser l’engagement de ses utilisateurs et à remplacer les liens faibles que l’on entretient en social media (des amis éloignés qu’on ne voit pas réellement) par des liens synthétiques encore plus ténus.
Il devient urgent de réancrer les individus dans une coexistence concrète, visible, vivante. C’est peut-être aux marques d’œuvrer dans ce sens, de proposer des connexions plus réelles, plus vivantes et plus concrètes.
CHAPEAU L’ARTISTE
Croq la Vie - La campagne de m*rde
Décidément, depuis quelques temps, la merde a vraiment la côte. Que ce soit avec la campagne “Va chier” de la Ligue contre le cancer, ou avec le film L’Aventura, présenté à Cannes, où Sophie Letourneur et Philippe Katerine se demandent si le caca, c’est la vie.
Cette fois-ci, c’est une marque de croquettes qui place les selles des chiens au cœur du message publicitaire. Le propos est assumé : la meilleure façon d’évaluer la qualité de l’alimentation canine, ce serait de regarder la couleur, la forme et la consistance de ceux qui les ingèrent …
Le monde créatif est-il en train de régresser en phase « pipi caca » de l’enfance ou parler de la merde est-il une ode à la qualification du monde dans lequel on vit ? Le débat est lancé.
Doctolib - “Votre vocation c’est de soigner. La nôtre, c’est de vous aider à le faire”
Dans sa dernière grande campagne 360° (film, presse, radio, etc.), Doctolib a cherché à exprimer sa mission : améliorer le quotidien des soignants afin qu’ils puissent se concentrer sur l’essentiel, leur vocation. Le dispositif créatif retenu est malin : revenir en enfance, ce moment où beaucoup se projettent devenir médecins.
“Cette campagne parle de vocation, bien sûr. Mais au fond, elle dit surtout une chose : la vocation ne devrait jamais être étouffée par les contraintes. C’est là que notre technologie entre en jeu. Elle n’est pas là pour remplacer l’humain, mais pour le libérer et permettre aux soignants de prodiguer de meilleurs soins” (Julie Touyarot, Doctolib)
Un bon exemple de campagne B2B réussie.
Fédération Française de Tennis - Only at Roland-Garros
Au moment où s’ouvre le Grand Chelem parisien, la Fédération française de tennis signe une jolie campagne d’affichage au travers d’ éléments visuels propres au tournoi : les glissades des joueurs sur la terre battue, mais aussi les célèbres chapeaux panamas portés par les spectateurs dans les tribunes.
Les images sont belles, dommage que le slogan soit proposé en anglais …
DERNIÈRES PARUTIONS
Un essai : Le désir de nouveautés (Jeanne Guien, La Découverte)
Dans ce nouvel ouvrage, Jeanne Guien poursuit son travail d’histoire du consumérisme initié dans son excellent livre Le consumérisme à travers ses objets (Divergences, 2021), en proposant cette fois-ci de se pencher sur “la nouveauté en tant qu’elle est construite par des discours marchands”.
Dans cet essai, récompensé du prix du meilleur essai écologique de l'année décerné par Le Nouvel Obs, Jeanne Guien propose une analyse historique et critique de la manière dont la notion de nouveauté a été construite et valorisée dans les sociétés capitalistes. Elle démontre que le désir de nouveauté n’est pas une inclination naturelle, mais une construction sociale et économique visant à stimuler la consommation. Elle forge, au passage, un néologisme intéressant : celui de néophilie.
L’autrice retrace l’origine de cette valorisation de la nouveauté au commerce colonial du XVe siècle, où l’exotisme des produits importés était présenté comme une source de fascination et de désir. Cette dynamique s’est intensifiée avec l’industrialisation, où l’innovation technologique et la production de masse ont été justifiées par la promesse de progrès et de modernité. Au XXe siècle, le marketing, la publicité et le design ont institutionnalisé cette quête du nouveau, en associant la nouveauté à des valeurs positives telles que l’efficacité, le confort et le statut social.
Une perspective éclairante sur les origines et les implications de notre fascination pour le nouveau.
A lire !
Un film : Partir un jour (Amélie Bonnin)
Présenté en ouverture du festival de Cannes, Partir un jour offre un cocktail assez exceptionnel d’insights politiques et de consommation.
Une gagnante de Top Chef, Cécile (incarnée à l’écran par la chanteuse Juliette Armanet), s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique. Mais elle doit retourner dans le village de son enfance car son père, patron d’un restaurant routier, a été victime d’un infarctus. Elle, la Parisienne accomplie, recroise son amour d’adolescence (incarné par Bastien Bouillon), qui tient le garage du coin.
Sur le fond, on est entre Nicolas Mathieu (Leurs enfants après eux) et Benoit Coquard (Ceux qui restent). Sur la forme, le film est hybride, entre rom com et comédie musicale - plusieurs tubes de la chanson française sont réinterprétés in situ - mention spéciale pour le père qui murmure “Mourir sur scène” en épluchant des patates.
La recette du film feel good qui fait réfléchir ?
Un podcast : L’histoire de Naomi Klein et son double numérique (France Inter)
Un podcast entièrement consacré au dernier livre de Naomi Klein, la célèbre autrice de No Logo ou de La stratégie du choc, qui revient sur la montée des idéologies complotistes, la désinformation et la fragmentation identitaire à travers une expérience très personnelle. Ce qui est fort dans la narration de Naomi Klein, c'est que tout est parti d'une étrange double avec laquelle les réseaux se sont mis à la confondre: Naomi Wolf, une féministe activiste devenue complotiste suite à un terrible stormshit.
Voilà quelques enseignements :
i/ En orchestrant l'affrontement entre tous via les algos, le fonctionnement même des réseaux sociaux nous pousse progressivement à écouter l'autre moins pour nous aider à nous forger un avis que pour saisir l'occasion de donner le nôtre avec véhémences.
ii/ Avec le niveau supplémentaire de fake news qu'elle ajoute, l'IA nous donne le moyen de sortir des infos, de quitter le réel, et donc de refuser la réalité. À cause de l'IA, chacun peut se permettre de douter de ce qui l'arrange et peut invoquer l'incrédulité quand il veut.
iii/ Les podcasts sont les amis des gens de plus en plus seuls. Ils n'ont rien à voir avec la radio car on ne crée pas de la même façon quand on sait qu'on sera écouté dans l'intimité d'un casque. On l'a bien vu durant la dernière élection américaine, le podcast génère du paracommunautaire.
A écouter, dans ce podcast.
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous le mois prochain pour un nouveau numéro de la CORTEX NEWSLETTER.
En attendant, n’hésitez pas à vous abonner pour recevoir les prochains numéros directement dans votre boite mail.