Politisation de la consommation, “marketing punitif”, la fin de la Silicon Valley, indice de réparabilité, capitalisme politique et Arsène Lupin … Elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà les idées des quatre dernières semaines.
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NOUVELLES CONSOMMATIONS
La consommation se politise
Dans deux interviews accordées au journal La Croix et à Ouest France, le sondeur et politologue Jérôme Fourquet a développé l’idée selon laquelle nous assistions à une politisation croissante de la consommation. Comment le comprendre ?
D’une part, la consommation se politise en ce qu’elle devient une forme essentielle d’appartenance à la vie de la Cité :
“Dans notre société sécularisée, la consommation, qui est entendue comme une réalisation de soi, est devenue centrale. Il y a quelques décennies, on se rendait à la messe dominicale, désormais on va à Ikea. Et ceux qui n’en ont pas les moyens le vivent comme un déclassement terrible. On aurait tort de n’y voir qu’une question de pouvoir d’achat ; une partie de la population vit comme une offense le fait de ne pas pouvoir se payer un « extra » ou faire plaisir aux enfants. C’est, à ses yeux, ne pas pouvoir participer à la grande fête de la consommation”
Et d’autre part, la consommation se politise en ce qu’elle polarise les Français en deux catégories de citoyens :
“Deux grandes tendances se dessinent. Une partie de la population a pris davantage conscience de la nécessité de la transition écologique. Dans sa vie quotidienne, elle essaie d’avoir une consommation plus sobre et de changer ses habitudes et est généralement plutôt favorisée. Elle se réalise par ailleurs, sa position dans la société ne dépend pas de ce qu’elle consomme. Pour une autre partie de la population, souvent de condition plus modeste, le rapport à la consommation est tout autre. Cette France qui se lève tôt, travaille dur, souhaite elle aussi pouvoir s’offrir le restaurant et le cinéma et « acheter de la marque à ses enfants »”
A noter pour les entreprises qui souhaitent devenir “politiques” : attention à ne pas oublier la moitié des Français en chemin.
L’occasion fait le larron : l’explosion du marché de la seconde main
Dans Le Figaro, on apprend que Vinted est le cinquième site d’e-commerce le plus visité en France, devant Darty. Vraie tendance depuis plusieurs années, le marché de l’occasion s’envole, profitant du contexte pandémique et socio-économique, mais aussi du réveil de la conscience environnementale.
Un signe du très fort changement qui s’opère : une étude Cofidis montre que pour la première fois, un Français sur deux a déclaré vouloir acheter des produits d’occasion pour les offrir à Noël. Selon Kantar Worldpanel, 69% des acheteurs se dirigent vers la seconde main pour un motif économique et 45% pour un motif écologique – soit 10 points de plus qu’en 2019. Confinés chez eux, les Français ont trié et en ont profité pour revendre leurs affaires sur internet. Sur le site de Vestiaire Collective, 17 000 articles sont mis en ligne tous les jours contre 10 000 l’année précédente.
Face à cet engouement des consommateurs et une croissance 24 fois plus rapide que le retail traditionnel, les grandes enseignes ont répliqué : Zalando, La Redoute, Cdiscount, Ikea ou encore Décathlon ont annoncé se lancer sur ce marché de la seconde main, estimé à plus d’un milliard d’euros. Même les supermarchés font le pari des habits d’occasion. C’est le cas du groupe Auchan qui a aménagé des rayons et compte généraliser le concept à ses 120 hypermarchés d’ici fin 2021.
Source : Etude Opinion Way pour Rakuten, Mai 2020
Source : Le marché de la seconde main textile en France – faut-il reprendre la main sur la seconde main ? / Étude thématique Kantar, Mars 2020
La véganisation du business
Un article du journal Les Échos se penche sur “la folie végane”. Le véganisme, qui prône un mode de vie centré sur la préservation des animaux et l’arrêt de leur utilisation à des fins commerciales, est en train de se répandre sur la planète et dans tous les secteurs. Dans l’alimentaire, bien sûr : selon Barclays, les ventes mondiales de produits à base de protéines végétales augmenteraient de 16 % par an - en 2027, elles flirteraient avec les 30 milliards d'euros. Mais pas seulement :
“Que le roi du burger McDonald lance aux Etats-Unis son McPlant avec de la viande végétale comme l'Impossible Whooper de son rival Burger King ou que Nestlé commercialise en Suisse le Sensational Vuna un « thon » à base de pois de gluten et de blé : à l'heure de Greta Thunberg, on pouvait s'y attendre. Que Bentley, symbole du luxe britannique, songe à proposer à sa très chic clientèle un modèle tout électrique et végan surprend davantage”
Vraie conviction ou émergence d’un vegan-washing ? En tout cas, pour les ONG les plus activistes sur le sujet, de futurs fronts de combat s’ouvrent déjà. Profitant de la chute des cours de Bourse au début de la pandémie de Covid-19, l’association activiste PETA Etats-Unis a acquis des actions Kering, Ralph Lauren, Burberry, afin de pouvoir participer aux assemblées générales de ces géants du luxe. Objectif revendiqué : intervenir en séance pour les pousser à bannir de leur collection la laine, le mohair et le cachemire...
La “folie végane” s'installe bien dans le paysage, y compris dans celui de l’engagement des marques.
Lidl, du discount à la marque-icône
Dans L’Obs, on lit que l’enseigne allemande s'impose désormais comme “une icône branchée et disruptive dans le paysage bien ordonné de la grande distribution française”.
Après avoir conquis jusqu’aux modeux les plus pointus avec ses sneakers à 12 euros, Lidl lance une paire de boots à moins de 10 euros qui affole la toile.
Sur les réseaux sociaux, les adolescents affichent leurs dernières acquisitions Lidl avec fierté et style. Pour Ingrid Van Langhendonck, rédactrice au chef de So Soir : “À la fin des années 1980, la mode était d'arracher sur la calandre le logo de la marque Volkswagen. Cette voiture n'était pas une Roll Royce, mais c'était tendance de récupérer ce logo. Les jeunes ont la faculté de s'approprier des symboles liés à la pop culture. Ils transforment en héros des choses qui ne le sont absolument pas de base. Ils ont la distance et l'humour pour le faire”
Sommes-nous en train d’assister à une lifestylisation des marques low-cost ?
“The New Consumer 2021” est arrivé
"The New Consumer" est une étude annuelle gratuite - mais surtout une newsletter hebdo payante - qui dresse les signaux faibles des changements d'habitudes de consommation aux USA.
Instable mais habile de ses mains, le nouveau consommateur est capable de se passionner pour les puzzles et les machines à pain une semaine, puis de passer complètement à autre chose la semaine suivante. Si on imagine mal Henri Gault et Christian Millau se ruer sur de la pizza, de la glace ou encore du lait d'amande, le nouveau consommateur lui, manifestement moins snob, en raffole.
Touché par une flemme et un désœuvrement endémiques (les vrais effets secondaires de la Covid-19), le nouveau consommateur achète son alcool en ligne. Un alcool qu'il préfère incubé en campus de startups que vieillit en fut de chêne ; quand les ventes de ready-to-drink beverage genre HAUS alcool augmentent de 43%, les ventes d'alcool traditionnel déclinent, elles, de 8%.
Le nouveau consommateur s'est découvert une nouvelle addiction : le sport virtuel - en plus, selon d'autres sources, du cannabis. Peleton, Zwift, Nike Fitness Club... autant de façons virtuelles de se dépenser qui se sont imposées … et qui semblent bien parties pour rester, et ainsi concurrencer le sport traditionnel puisque 81% d'entre eux, le "préfère."
Vous lancez un nouveau produit ? Avez-vous pensé d'abord à lancer une pandémie mondiale ?
75% des consommateurs US auraient expérimenté de nouveaux produits et de nouvelles marques lors de la première vague du Covid-19. Phénomène qui a particulièrement profité à la catégorie "plant based meat" , testée par 51% de ces nouveaux consommateurs.
Plus nature donc, le nouveau consommateur privilégie le soin de sa maison au soin de ses atours faciaux ; 21% de la catégorie Home Sent progresse de 21% quand le Makeup décline de 31%.
Ami des animaux (depuis qu'il a testé les steaks végétaux ?) : 5% des nouveaux consommateurs ont adopté un animal durant la première vague !
Finalement, il est sympa ce nouveau consommateur version 2021.
MARKETING STRATEGY
L’affirmation du “Gender Neutral Marketing”
Un papier de The Drum s’intéresse à une véritable bascule culturelle liée à la non-différenciation liée au genre. De plus en plus de marques adoptent un marketing non genré, « no gender », « gender fluid » ou « gender neutral ». Une tendance qui a su conquérir de nombreux secteurs de la consommation, à commencer par la mode, la beauté, l’hygiène mais aussi… le jouet – LE marché « genré » par excellence.
Dans l’habillement, Levi’s a par exemple lancé une collection de pièces non genrées, nommée ‘’Unlabelled’’, le 11 Octobre dernier, à l’occasion du Coming National out Day.
Levi’s leant on market research that indicated 30% of Gen Z Levi’s fans shop across genders. Recognising that it did not have a genderless concept for the brand at the time, it asked its grassroots group of LGBT+ employees to curate a homegrown, gender-less collection from its existing line. “We didn’t know this would work. We hoped it would, we thought we would, but we didn’t know until we saw the results,” admits Peter Lewin, senior director of strategy and marketplace insights of Levi’s Unlabeled. “It’s been validating that Levi’s fans have embraced not only a genderless collection but also one that’s such an authentic expression of our values and who we are.”
Du côté des marques de protections périodiques, un changement s’opère également : si Always avait décidé d’abandonner le symbole féminin de ses serviettes hygiénique en 2019, de plus en plus de marques parlent désormais de « personnes ayant ses règles » - et non plus de « femmes », pour être plus inclusives. Une formulation de plus en plus utilisée et qui avait fait réagir J.K Rowling via un tweet jugé « transphobe », l’été dernier. Dans ce contexte animé, la marque The Body Shop avait répondu à l’écrivaine pour venir en soutien aux personnes transgenres – et affirmer son positionnement.
Un parti-pris qui s’annonce de plus en plus plébiscité et qui dessine les contours du marketing de 2021.
Du “marketing punitif” au “marketing segmentant” : être laid pour mieux vendre
Un article du Figaro se penche sur une tendance croissante chez les marques low-cost de créer des produits à l’apparence volontairement fantaisiste ou extrêmement simpliste, voire même des produits … laids pour mieux faire vendre.
Ceci s’explique d’abord par une volonté de se démarquer de marques plus chères. C’est ce que le consultant en marketing du commerce Frank Rosenthal appelle le “marketing punitif”, une stratégie née avec l'arrivée de Lidl en France à la fin des années 80, et qui consistait à «dépouiller les magasins, en faire des lieux tristes et mal chauffés pour donner une justification aux prix bas». Même stratégie pour la marque de transport low-cost Ouigo : “des produits très colorés, aux looks clivants, permettent de justifier, de façon un peu artificielle, les différences tarifaires par le design”
Baptiste Fougeray, consultant de l'agence de design Seenk, avance une autre explication : le succès de ces designs parfois moqués s’expliquerait par «la fin du culte de l'excellence et de la perfection». Selon lui, «la notion de perfection, parfois angoissante et qui demande de faire des efforts, est de plus en plus remplacée par celle de l'acceptation, qui rassure et fait du bien».
Chez Crocs, entreprise côté au Nasdaq et qui a fait la meilleure année de son histoire en 2020, on assume sans ambages être taxé de «laid» ou «kitsch», et l'on joue même sur cette notion de « marketing segmentant ». « Le fait que certains considèrent nos produits comme laids ou comiques ne nous déstabilise pas du tout, explique Yann Le Bozec, directeur marketing chez Crocs. Au contraire, on joue beaucoup sur ça dans nos communications sur les réseaux sociaux. Notre marque est polarisante, alors on utilise cette tension pour faire parler d'elle! ». Et le consultant Baptiste Fougeray de conclure : «Ce qui est parfois considéré comme 'laid' a un atout formidable : il est instagrammable ! Dans un monde aseptisé, une paire de crocs fluo, ça se remarque ! »
Pour être tout à fait complet sur le sujet, nous ne saurions que vous recommander l’excellent compte Instagram @uglydesign, qui compile des images d’objets particulièrement laids ou au design improbable. Là encore, le geste se fait militant
“Parce que nos feeds Instagram sont remplis d’images parfaites, lisses, postées par des influenceurs à la vie idyllique, il est important – voire d’utilité publique – d’injecter une dose de mauvais goût dans nos réseaux sociaux”
Et si le laid était le nouveau signe de l’authenticité ?
AMERICAN DIGITAL SOFT POWER
Un syndicat chez Google
Le New York Times nous apprend que des salariés de Google à l’échelle internationale ont créé un syndicat d’opposition, appelé the Alphabet Workers Union. C’est la première fois qu’une telle initiative est prise dans la Silicon Valley, et c’est une première dans l’industrie de la tech.
Loin d’être un syndicat tel qu’on peut le concevoir en France, cette union des forces doit plutôt se comprendre comme une sorte de comité éthique, comme une démarche activiste pour face à certaines dérives vécues ces derniers mois par les salariés et cadres de Google. Comme le souligne Chewy Shaw, ingénieur chez Google et membre fondateur de ce syndicat :
«Our goals go beyond the workplace questions of ‘Are people getting paid enough?’ Our issues are going much broader. It is a time where a union is an answer to these problems»
Pour comprendre ce qui l’a poussé à instaurer ce rapport de force avec le top management, il faut revenir en 2018 : plus de 20 000 salariés Google avaient manifesté contre la politique de traitement du harcèlement sexuel dans l’entreprise. La même année, beaucoup avaient protesté contre les décisions prises par le top management concernant la participation à des programmes de développement d’intelligence artificielle et technologique pour le ministère de la défense et celui de l’immigration, jugés non éthiques ou non transparents par les collaborateurs.
Cette initiative prise par une centaine de cadres et d’ingénieurs ressemble davantage à une volonté de moralisation de l’activité chez Google. D’ailleurs, dans notre dernière édition Meaningful Brands 2021, étude qui vise à évaluer le sens que les marques créent dans la vie des gens et de la société, la position de Google a chuté (20 rang perdu), notamment dû à sa sous-performance sur les dimensions de transparence, de diversité dans l’entreprise ou encore sur la notion d’éthique perçues par les consommateurs.
La fin de la Silicon-Valley ?
Plusieurs géants de la technologie, comme Oracle et Hewlett-Packard, ont annoncé qu’ils quittaient la Californie, bastion démocrate, pour le Texas, place forte républicaine. Elon Musk, patron de Tesla, a annoncé sa décision de s’installer personnellement à Austin, officiellement pour suivre la construction au Texas de sa plus grande usine automobile aux Etats-Unis.
Commentaire du journal Le Monde :
“La « guerre civile froide » qui sépare en deux camps les Etats-Unis se retrouve dans la technologie. Ce n’est pas un hasard si Peter Thiel et Elon Musk sont de fervents supporteurs de Donald Trump. Le multimilliardaire Larry Ellison, fondateur d’Oracle, finance le président et la PDG de la société, Safra Catz, le conseille. La Californie est un bastion démocrate et le Texas une place forte républicaine. L’une dispose de la plus forte taxe sur les revenus, en plus des impôts fédéraux, tandis que l’autre n’impose ni les revenus ni le capital. De plus, la régulation y est beaucoup plus souple. Cette guerre idéologique détermine désormais la géographie économique”
La politisation des marques a donc une conséquence géographique : pour le chercheur Kenneth P. Miller, “la Californie et le Texas se sont lancés dans une bataille idéologique” :
“Côté progressiste, le modèle californien : accès à la santé pour tous, progressivité de l’impôt, protection des migrants, de l’environnement, négociations avec les syndicats. Côté conservateur, le modèle texan : faible impôt, moins de réglementations, flexibilité du travail,exploitation intensive des ressources naturelles. Le Texas se présente comme le champion du capitalisme et considère la Californie comme celui du socialisme. La Californie applique le taux marginal d’imposition sur le revenu le plus élevé du pays (13,3 %). Le Texas, lui, a supprimé l’impôt sur le revenu”
La star à l’ère Netflix
À l’occasion des élections américaines, Le Monde a consacré une série de reportages sur le renouvellement du soft-power américain : “Etats-Unis. Un mythe abimé, la fascination intacte”. Un long reportage s’est penché sur la transformation du statut de star. Il en ressort que le phénomène de starification n’est pas le même à l’ère de Netflix :
“Netflix a besoin que son nom soit martelé et que cela se convertisse en nouveaux abonnements. En refusant de communiquer ses audiences, et de communiquer en général, Netflix se pare contre tout échec ou, plutôt, contre toute lumière sur un échec, comme c’est le cas lors d’un flop en salle. Olivier Assayas le résume ainsi : « La star, ce ne peut être que la plateforme »”
“Voilà l’enjeu désormais pour les plateformes : ne pas capitaliser sur les seuls prestiges du cinéma d’hier et faire émerger des nouveaux visages. Des vedettes estampillées Netflix commencent à apparaître, comme hier des acteurs surgissaient des studios. Lily Collins, par ailleurs fille du chanteur Phil Collins, a joué dans les films To the Bone, Okja et, récemment, Mank, de David Fincher, et la série Emily in Paris. L’Espagnole María Pedraza est une des têtes d’affiche des séries la Casa de Papel et Elite. Ces deux jeunes femmes sont-elles des stars ? Non. Le seront-elles un jour ? Qui sait ? Madeline Berg n’y croit guère : « Il y a tellement de contenu sur les plateformes, tellement de choix, que des nouveaux visages ne peuvent, pour l’instant, pas remplacer les stars déjà existantes. »”
NÉO-STALGIE
Le tournant émotionnel de la vie intellectuelle
Une série de 9 entretiens réalisés par Nicolas Truong dans Le Monde se penche sur ce qu’il appelle le “tournant émotionnel de la vie intellectuelle”: il remarque qu’un nombre croissant de philosophes, d’écrivains et d’historiens travaillent sur le monde sensible - les affects, les émotions, les sensibilités …
“Les affects sont socialement construits. Et les émotions ont une histoire. Certaines naissent dans des contextes historiques précis, d’autres se modifient, s’estompent ou tombent dans l’oubli. Ainsi la nostalgie est-elle née à la fin du XVIIe siècle, afin de désigner ce « mal du pays », cette maladie qui dévastait soldats et esclaves, colons et exilés, avant de devenir un sentiment romantique valorisé. Ainsi l’acédie, ce désœuvrement inquiet de l’âme qui conduisait les moines à désespérer du salut au Moyen Age, s’est-elle évanouie, alors que la « solastalgie », cette façon d’être affecté par les ravages écologiques comme la disparition des espèces et le saccage des paysages, est apparue au début du XXIe siècle devant l’effroi provoqué par l’extractivisme et la disparition de la biodiversité à l’ère de l’anthropocène”
On peut retenir en particulier l’entretien passionnant avec l’historien Thomas Dodman, qui cherche à penser une véritable “politique de la nostalgie” :
“Si aujourd’hui les populismes montrent toute l’emprise d’une politique de la nostalgie, c’est aussi parce qu’ils transcendent le clivage gauche-droite, fédérant les ressentiments des uns et des autres. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a des similitudes troublantes entre la solastalgie et le discours des électeurs d’un Donald Trump. Eux aussi ont l’impression d’être devenus des « étrangers chez eux »”
La nostalgie, moteur d’innovation pour les marques
Un article de l’ADN qui montre combien la nostalgie est de plus en plus un moteur d’innovation pour les marques, en marketant l’imaginaire nostalgique :
“En alimentaire, à l’heure où les jeunes millennials deviennent parents, cette tendance s’incarne par le retour des recettes de grand-mère et des produits traditionnels de notre enfance. Pensez aux biscuits emblématiques Lu, Petit Écolier, Pépito, Granola, Mikado qui séduisent pour leur authenticité, le plaisir qu'ils nous évoquent et leurs recettes actualisées afin de correspondre à une alimentation toujours plus saine, certifiée Bio”
Mais ce sont aussi les imaginaires de la « netstalgie » du début d’internet et la tendance Y2K (années 2000) où se cultive l’esthétique des années 90 et 2000 : walkman, premiers téléphones et anciennes gameboy à la clé.
Ces produits, devenus iconiques, en inspirent de nouveaux : en témoigne la vague des téléphones pliables avec la sortie du Huawei Mate X ou du Samsung Galaxy Fold”
Les Pinterest Predicts 2021
Chaque année, les tendances Pinterest sont parmi les plus surprenantes. Est-ce lié à la pratique des utilisateurs de la plateforme ou à la façon dont elles sont craftées par ceux qui les éditent ? Elles portent toujours en elles un monde meilleur ou plus léger, le reflet de nos aspirations les plus profondes ou les plus superficielles.
Cette année, comme coupées de toutes les catastrophes, elles oscillent entre simplicité épurée et sophistication kawai. On y apprend des mots nouveaux comme Japandi, Athflow, Cloffice ou Skinimalism. On s'esbaudit devant l'essor des tresses vikings pour hommes à +90% ou les moisiversaire à +145%. Les soirées en amoureux en voiture se multiplient par 2 (plus serait familial) et l'Oversize prend de l'ampleur à x3. Enfin, si vous n'avez pas fait d'ongles originaux (x21) ou de jolies photos pour couverture de playlist (x24), on peut se dire que vous êtes passés à côté de votre année 2020.
L'extrême droite française à l'assaut de TikTok, qu'elle juge «envahi par le discours gauchiste»
Dans un message posté sur son groupe Telegram et sur Twitter, le 26 novembre dernier, Damien Rieu, co-fondateur du mouvement d'extrême droite violent, Génération identitaire (GI), aujourd'hui assistant parlementaire d'un élu Rassemblement national à Bruxelles, faisait ce constat: «Les -22 ans restent 2/3h par jours sur Tik-Tok où la totalité des vidéos politisées sont gauchistes. On a complétement raté ce terrain. Toute la génération va être ravagée. On se rend pas compte des conséquences mais c'est effrayant.»
Slate montre comment TikTok est devenu un champ de bataille pour les néo-réactionnaires qui tentent de contrer la “parole progressiste” … en réactualisant des imaginaires souvent empreints de nostalgie pour l’autorité.
NEW DEAL
L’Observatoire de la consommation responsable
Une étude Obsoco pour Citeo s’est essayé à dessiner une typologie de consommateurs selon leur degré d’engagement : il en ressort que 56% de la population française est mollement engagée ou réfractaire.
La même étude s’est intéressée aux obstacles qui empêchaient les gens d’embrasser un mode de vie plus eco-responsable : il en ressort le coût (52%), bien sûr, mais aussi l’insuffisance de l’offre de produits et de services éco-responsables (40%), le manque d’information (38%) et la difficulté de changer ses habitudes (33%).
Le positionnement de la “marque-coach” a de bons jours devant lui !
Création d’un “Indice de réparabilité”
Depuis le 1er janvier 2021 est entré en vigueur un nouvel indice, dit de “réparabilité”.
Allant du rouge vif au vert foncé, ce nouveau logo accompagné d’une note de 1 à 10 doit sensibiliser le consommateur à la réparation du produit dès son achat en l’informant de la réparabilité de son appareil. Avec cette nouvelle indication, le gouvernement espère que la proportion d’appareils électriques et électroniques en panne réparés passera à 60% dans cinq ans, contre 40% actuellement.
Les entreprises intègrent désormais le climat dans leurs perspectives financières
Stratégies se fait l’écho d’un rapport KPMG qui montre qu’un nombre croissant d’entreprises intègrent le climat dans leurs perspectives financières. Pour l'édition 2020, KPMG a étudié 5 200 entreprises (les 100 plus grandes de 52 pays) :
“80% publient désormais des informations en matière de développement durable (96% des 250 plus grandes) - contre 12% il y a près de 30 ans. Notamment, 43% reconnaissent l'existence de risques financiers liés au changement climatique (56% au sein du top 250), et les deux tiers ont des objectifs de réduction d'émissions”
Rendre le frugal désirable : le spot IKEA
DERNIÈRES PARUTIONS
Un essai : Le pouvoir du capitalisme politique (Alessandro Aresu, Stati Uniti e Cina, non traduit)
Dans un ouvrage non traduit, recensé dans Le Grand Continent, l’essayiste italien Alessandro Aresu se penche sur la notion de “capitalisme politique”. Non pas au sens où on l’entend traditionnellement de politisation des entreprises capitalistes qui chercheraient à exercer un rôle croissant dans la Cité.
Ici, l’expression décrit un système où le capitalisme est instrumentalisé par des grandes puissances pour jouer un rôle (géo)politique : l’utilisation politique du commerce, des finances et de la technologie ; la désignation d’industries stratégiques et d’entreprises « ennemies » par leur localisation géographique ou leur propriété ; la concurrence dans les organisations internationales de normalisation ; l’intrusion des bureaucraties de sécurité nationale dans les libertés économiques.
Trois sortes de capitalismes-politiques sont étudiées :
Le système chinois : un capitalisme d’Etat-parti qui a été accompagné par un secteur privé qui a contribué de manière décisive à la croissance de la Chine.
« Ce n’est pas un membre du Politburo qui a développé l’algorithme à l’origine de Douyin/TikTok. Cependant, les entrepreneurs technologiques chinois évoluent dans un environnement qui les a protégés de la concurrence et leur a fourni un crédit souple et, dans certains cas, illimité, ce qui leur a permis d’acquérir d’énormes avantages concurrentiels »
Le système américain : un capitalisme privé assujetti aux intérêts nationaux
« Pour « prévenir la surprise technologique », pierre angulaire de la relation entre défense, technologie et organisation, l’appareil américain devra intervenir fortement sur les processus économiques, si nécessaire, en préservant toujours la capacité d’innovation, la mobilisation privée et la destruction créative de leur système, mais en les orientant vers la sauvegarde de l’intérêt national »
Le système européen : faute de conception commune de la sécurité nationale ou de l’intérêt commun, pas ou peu de capitalisme politique.
« Il ne suffira certainement pas de dire « faisons comme Airbus » pour matérialiser des agrégats de travail sur la défense, les télécommunications, la mobilité durable, l’énergie, la biotechnologie. Les ressources mobilisées pour les chaînes de valeur stratégiques européennes sont insuffisantes. En outre, le débat idéologique entre les nations n’est pas clos et il existe des différences entre les accords importants conclus entre les dirigeants européens et la capacité réelle de mise en œuvre »
Et si l’Europe devait apprendre le capitalisme politique pour émerger en tant que puissance ?
Une série : Lupin - dans l’ombre d’Arsène (Netflix)
Sortie le 8 janvier dernier, la série met en scène l’histoire d’Assane Diop dont le père est accusé à tort il y a 25 ans d’un vol qu’il n’a jamais commis. Fausses identités, tours de passe-passe et illusions, vol de bijoux, le héros va s’inspirer du mythique gentleman cambrioleur, personnage de Maurice Leblanc, pour tromper les riches et les puissants et se venger. Une adaptation contemporaine et habile du scénariste britannique George Kay qui exploite le matériau littéraire pour construire la trame de l’histoire : des fragments entiers des aventures d’Arsène Lupin et des éléments de l’intrigue sont transposés dans le monde moderne.
En parlant de son adaptation, le scénariste a déclaré : « Je voulais montrer la France à travers les yeux d'un personnage d'origine ethnique différente (...), qui sans être un Robin des bois pourrait faire éclater la bulle de l'Establishment français ».
On ignore si la série fait réellement « éclater la bulle de l’establishment français » mais elle le provoque, le titille, se joue de son modèle et de ses aspects structurels, en embrassant une dimension politique et sociale indéniable. Les injustices sociales sont frontalement abordées : la discrimination – notamment au faciès, les à priori sociaux, le capital social et ses clivages… Arsène Diop, homme noir, invisible, et d’autant plus « invisibilisé » par les métiers qu’il occupe (agent d’entretien, livreur à vélo…), va en faire un point de force et utiliser ce pouvoir d’invisibilité pour parvenir à ses fins. Un insight très puissant utilisé pour la campagne de promotion de la série sur les réseaux sociaux :
Démasquer, faire tomber les puissants est aussi, dans la série, la motivation d’une journaliste que le héros rencontre – et leur but devient commun. La couverture de son livre, sur un puissant personnage corrompu, n’est pas sans rappeler le livre de Vincent Jauvert, Les Intouchables d’Etat.
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous le mois prochain pour un prochain numéro de la CORTEX NEWSLETTER.