Le “tsunami de la déconsommation”, le désengagement écologique des entreprises, Marvel et la polarisation culturelle, la désinfluence digitale, la fin du binge watching, “C quoi l’info”, l’économie de la mémoire et Bernard Tapie … elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà la veille des idées d’octobre 2023.
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LES GRANDS RETOURNEMENTS
Dans les rayons des supermarchés, le “tsunami de la déconsommation”
Fin août, sur les ondes de franceinfo, le PDG de Carrefour Alexandre Bombard alertait sur le "tsunami de déconsommation" vécu par les Français, "un phénomène massif de privation" observé dans les magasins du groupe en raison de l’inflation.
Les chiffres sont en effet impressionnants. D’après l’INSEE, la consommation de biens alimentaires hors tabac est en recul de plus de 12% depuis janvier 2022. Au premier semestre, les ventes en grande surface ont ainsi chuté de 4,1 % en volume par rapport à la même période de 2022 : “une chute sans précédent”, dixit BFM. La consommation atteint désormais un niveau si bas qu'il n'a plus été observé depuis … les années 2000 !
De fait, près d’un Français sur deux juge ses fins de mois difficiles, contre 37 % en janvier 2022, selon un sondage Appinio pour le magazine LSA du 29 août. Conséquences, explique Le Monde : les ménages arbitrent en faveur de produits moins chers - moins de marques nationales (− 7,2 % en volume au premier semestre), moins de bio (− 13 %) et « enlèvent ce qui n’est pas essentiel », souligne Emily Mayer, directrice des études à Circana. « Tout ce qui dépasse 3 euros est pénalisé. »
« Les clients achètent de moins en moins de produits à réchauffer, comme les plats cuisinés surgelés. En fait, tout ce qui nécessite d’allumer le four, et donc d’utiliser de l’énergie. Toutes les catégories de la maison, dont le petit électroménager, souffrent. Pour faire simple, le non-alimentaire est considéré comme non indispensable. On observe une baisse de 25% en volume dans cette catégorie depuis février » Pascale Cartier, la directrice de l’offre et achats alimentaires d’Auchan.
« Il y a une déconsommation importante des achats plaisir. Même le rayon jouets est touché. A fin août, les ventes en valeur ont chuté de 4,1 %, à 1,7 milliard d’euros » Frédérique Tutt, analyste spécialisée pour Circana
Le désengagement écologique
“Après s'être engagées à réduire rapidement leur empreinte carbone, les grandes entreprises jouent la montre” titre le Wall-Street Journal, qui consacre un long article au désengagement écologique des entreprises. Deux ans après la Conférence de Glasgow sur les changements climatiques en 2021, un sommet des Nations unies qui avait donné le coup d’envoi de plusieurs initiatives corporate en matière de climat, le premier bilan d’étape est décevant.
Et de lister : le géant minier Rio Tinto, qui a déclaré ne pas atteindre son objectif d'émissions à 2025 sans recourir à des compensations carbone ; les géants du pétrole Shell et BP, qui ont réduit leurs plans d’investissement vert sous la pression des marchés financiers ; Amazon, qui a récemment renoncé à son objectif de diminuer les émissions liées aux livraisons d’ici à 2030.
« De nombreuses entreprises se rendent compte qu’il est facile de commencer à décarboner, mais également que c’est une tout autre paire de manches de s’engager dans une véritable transition », résume Günther Thallinger, membre du conseil d’administration de l’assureur Allianz, qui préside un groupe d’investisseurs axé sur le climat aux Nations unies.
Des reculs qui ne sont pas sans causer de sérieux remous en interne : Euronews se faisait l’écho d’une lettre ouverte publiée par des employés de Shell qui exprimait “leurs sérieuses inquiétudes”. “For a long time, it has been Shell's ambition to be a leader in the energy transition. It is the reason we work here (…). The recent announcements deeply concern us”. Sur le réseau social interne de Shell, la lettre a recueilli 80 000 vues, 1 000 likes et plusieurs dizaines de commentaires très engagés. Les sur-promesses de marque employeur sur le combat écologique sont peut être en train de se retourner contre les annonceurs …
Selon l’ONG écologiste CDP, sur près de 19 000 entreprises utilisant sa plateforme d’information sur l’impact environnemental l’année dernière, seules 81 avaient des programmes de transition climatique crédibles. Une seule entreprise sur une liste de plus de 160 grands émetteurs de carbone — le producteur italien d'électricité, Enel — avait entièrement aligné ses plans de dépenses d’investissement sur la transition énergétique en 2022, selon une initiative climatique portée par des investisseurs.
Aux Etats-Unis, une partie de ces retards s’explique par les pressions politiques exercées par le Parti républicain. “Un groupe des Nations unies appelé Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), qui tente de stimuler les investissements du secteur privé, a perdu certains membres qui craignent des poursuites judiciaires et des représailles de la part des républicains s’ils font partie d’une initiative limitant le financement des combustibles fossiles” explique le Wall Street Journal.
Ce recul des entreprises sur la question de la transition écologique fait écho, en Europe, aux difficultés de mise en oeuvre du Green Deal. Un article du journal Le Monde rappelait récemment que de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne appelaient à une « pause réglementaire » dans la mise en œuvre des mesures de décarbonation. Plus encore que les conséquences économiques et sociales, c’est bien la crainte d’un backlash qui hante les dirigeants politiques et économiques.
Le surprenant recul des 11-12 ans sur les réseaux sociaux
Un article du Figaro documente un surprenant recul de l’utilisation des réseaux sociaux par les 11-12 ans. C’est l’une des conclusions du baromètre annuel Born Social (agence Heaven) : alors que l’an passé, 86 % de ces préadolescents déclaraient utiliser régulièrement au moins un réseau social, en septembre 2023, ils ne sont plus que 71 % à faire la même affirmation, soit 15 points de moins. Ils sont aussi 80 % à être équipés d'un smartphone en 2023, contre 85 % l'an dernier.
« C’est la première fois en huit ans que notre baromètre, dont la méthodologie n’a pas changé, enregistre une baisse de cet usage. Nous en sommes les premiers surpris », commente le directeur d’Heaven, Arthur Kannas.
Plusieurs explications sont avancées pour expliquer ces chiffres. La première : une plus grande vigilance des parents, sensibilisés par les discours politiques sur les effets néfastes d’un usage excessif de ces services. Autre piste : les réseaux sociaux auraient accentué leur chasse aux comptes créés par des enfants - rappelons que les réseaux sociaux sont théoriquement interdis aux moins de 13 ans … L’article cite ainsi l’exemple de TikTok, qui affirme avoir supprimé en 2022 près de 80 millions de comptes suspectés d’appartenir à des personnes de moins de 13 ans, contre 45 millions un an auparavant.
De fait, il ne faut donc peut-être pas se réjouir trop vite d’une baisse qui n’est pas liée à l’envie mais à la répression. Pour les marques, l’essentiel est ailleurs : on les attend sur des messages efficaces de prévention - non seulement à destination des parents, mais d’abord et surtout à destination des jeunes utilisateurs.
SIGNAUX FAIBLES
Ce que les titres de romans disent de notre époque
Le journal Le Monde a épluché plus de 450 titres de romans qui ont fait l’actualité de la rentrée littéraire. “Courts, directs, sombres et violents, emplis de vent, d’arbres et de bêtes, leurs titres reflètent à la fois les préoccupations des écrivains, des éditeurs, et l’état de la société” lit-on. Plusieurs tendances se dégagent.
Tendance numéro 1 : faire-court. Même les articles (La, Le, Un …) semblent s’effacer.
“En moyenne, le titre 2023 compte 3,5 mots, d’un total de dix-huit lettres. Mais ce qui frappe, c’est la masse d’entre eux qui se limitent à un mot. Tel est le cas de soixante-deux livres sur les 446 de notre liste, soit 14 %. Ce peut être le nom d’un personnage, comme William, de Stéphanie Hochet (Rivages), à propos de Shakespeare, d’un lieu-clé, tel Evreux, de Denis Dercourt (Denoël), mais aussi un simple mot : Eden, d’Audur Ava Olafsdottir (Zulma), Formol, d’Hadia Decharriere (Alma), Acide, de Victor Dumiot (Bouquins), Sauvage, de Julia Kerninon (L’Iconoclaste), Vierge, de Constance Rutherford (HarperCollins) …
Tendance numéro 2 : le tournant écologique de la littérature. « Elle prend acte de l’effondrement du vivant, et devient arche d’accueil pour tout ce qui dépérit ailleurs. De plus en plus d’auteurs font le détour par un point de vue non humain pour enrichir notre vision humaine”. Ainsi du Taureau de La Havane, de Louis-Ferdinand Despreez (Le Canoë), des Dragons, de Jérôme Colin (Allary), du Jour des caméléons, d’Ananda Devi (Grasset) … Au total, plus de trente titres font référence à des animaux, dont quatre à des chiens. Et même un texte sur six porte un nom évoquant la nature au sens large - D’Humus, de Gaspard Kœnig (L’Observatoire), à L’Odeur des clémentines grillées, de Lee Do-woo (Decrescenzo), ou encore La Boue, de Christos Armando Gezos (MF), Ecume, de Véronique Bergen (Equateurs), Ma tempête, d’Eric Pessan (Aux forges de Vulcain).
Tendance numéro 3 : des titres-verbes. Frapper le ciel, Tâter le diable, Perdre, Déchirer le grand manteau noir, Porter ton ombre, Déserter, Cavaler seul, Veiller sur elle, Danser encore,N’ajouter rien … « Les titres-verbes se développent depuis plusieurs années, confirme Laurent Demanze, professeur de littérature à l’université de Grenoble. Ce mouvement correspond à la société d’injonctions dans laquelle nous vivons, et au rôle de l’infinitif : ces titres mettent en mouvement l’individu, mais sans imposer tel ou tel personnage. Le lecteur peut s’y projeter. »
Des titres courts, qui collent aux angoisses du moment et qui incitent à l’action : assistons-nous à un devenir-slogan de la littérature ?
L’univers Marvel pourra-t-il échapper à la polarisation culturelle ?
Une enquête fouillée de l’Opinion s’est penchée sur les défis politiques et commerciaux des studios Marvel, détenus par Disney depuis 2009. Alors que leurs productions cinématographiques abordent des questions politiquement sensibles pour la société américaine (le nationalisme, l’homosexualité, les discriminations, la justice environnementale), “la difficulté consiste à consiste à réaliser des films de super-héros qui semblent pertinents tout en restant à l'écart de la politique et des guerres culturelles”.
L’article rapporte qu’aux Etats-Unis, les critiques de cinéma, quelle que soit leur sensibilité politique, s’accordent à dire qu’au fur et à mesure qu’ont grandi le succès et l’influence du studio, la vision du monde de Marvel a évolué dans une direction progressiste, en particulier dans le domaine de la diversité des groupes de super-héros représentés. En 2019, Captain Marvel est devenu le premier film des studios Marvel à mettre en scène une femme super-héros, incarnée par Brie Larsen. Black Panther : Wakanda Forever, sortie l’année dernière dans la foulée des manifestations Black Lives Matter de 2020, a été qualifiée de “farouchement anticolonialiste” par le Wall Street Journal.
« L’ensemble du projet politique de MCU est conçu pour amener progressivement les gens vers plus d’inclusion. Au fond, la plupart des créateurs impliqués souhaitent une politique plus inclusive, mais ce qui les freine, ce sont les craintes des réactions négatives de la part des familles » explique Nick Carnes, politologue à l’université Duke, et auteur de The Politics of the Marvel Cinematic Universe.
Après les mauvaises performances au box-office d’un certain nombre de films récents estampillés Marvel, dont Wakanda Forever, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania et Thor : Love and Thunder, Disney a annoncé qu’il allait revoir à la baisse la franchise Marvel et le nombre de suites qu’il produit. « Il n’y a rien d’intrinsèquement mauvais dans la marque Marvel. Je pense que nous devons simplement nous pencher sur les personnages et les histoires que nous exploitons », a déclaré M. Iger en mars lors d’une conférence avec les investisseurs. De meilleures histoires sans renoncer à leur vision politique, donc.
Tout ceci est à mettre en parallèle d’une petite musique que l’on entend monter dans le monde corporate américain : “Go Woke, Go Broke”. D’après ses détracteurs, la politisation des marques en direction d’un progressisme dit “woke” amènerait nécessairement à la faillite commerciale. Une version notamment portée par Le Figaro : prenant appui sur les exemples de Disney ou Budweiser, l’article conclut à un “retournement”.
“Exprimées par conviction personnelle, sous la pression de groupes de salariés ou par calcul marketing, ces prises de position devaient placer à peu de frais les marques dans le camp du progrès. Loin de là, elles ont attisé la polarisation du pays. Au point que les grandes entreprises ont fini par comprendre qu’elles avaient beaucoup à perdre à transférer ainsi aux consommateurs la responsabilité de trancher un débat idéologique toujours plus clivant. La plupart tentent aujourd’hui de faire machine arrière”
“No TikTok” : quand les restaurants sont débordés par leur hype digitale
Un article du New York Times a fait grand bruit des deux côtés de l’Atlantique : il relatait qu’à Paris, une boutique de l’est parisien nommée Folderol, qui vend du vin et des glaces, a dû afficher en grand devant sa boutique la recommandation : «No TikTok». En cause : les dizaines et des dizaines de badauds qui s’y rendaient après que la petite boutique ait été recommandée sur Tik Tok - par une américaine nommée Anna Hyclak, dont la vidéo a récolté plus de 20 000 likes, et surtout par l’artiste Dua Lipa, qui l’a nommé comme l’un de ses spots préférés à Paris. Résultat : des tas de gens s’y sont précipités, contribuant à rendre impossible son accès aux clients traditionnels.
One TikTok user wrote: “I live really close to this place and it’s totally impossible to go now. The line is huge and full of teenagers/TikTokers at all times.” Another commented: “I went and it felt like a photo shoot set. Like I’m sure it was amazing before but now it’s all the fashion girlies going there for content.”
Comme l’explique Libération, “le phénomène s’est tellement amplifié que l’établissement a depuis interdit aux gens de rester consommer assis sur le trottoir, devant la boutique. Il a même embauché un videur pour éviter les attroupements”.
Après le démarketing territorial causé par massification touristique, assistons-nous aux débuts de la désinfluence digitale?
ACTUALITÉS MÉDIA
La fin du binge watching ?
C’est la question que se pose The Guardian. Netflix, après avoir inventé le binge-watching (le fait de diffuser d’un coup l’ensemble des épisodes), est en train d’expérimenter un retour à un modèle de diffusion plus étalé dans le temps (un épisode par semaine). Ils l’ont d’ores et déjà appliqué pour les séries Too Hot to Handle, The Circle et le show coréen Physical: 100, et envisagent de le faire pour leur prochain grand succès à venir (Squid Game : The Challenge).
“That’s the new status marker for television: not being the one show everyone watched in a weekend – an accomplishment harder and harder to come by anyways – but the one people look forward to week after week, such as the HBO hits Succession or The White Lotus, Apple TV+’s Ted Lasso and Severance”
“The joke for years, of course, was that streaming services have come to resemble the cable networks they disrupted – umpteen platforms that could be bundled like channels, plenty of disposable content and ads. The death of the binge model and the return to appointment television and paced releases would follow suit. I won’t mourn the loss”
L’article ne le précise pas, mais cette décision doit aussi être comprise dans une logique commerciale, dans la lignée de l’interdiction du partage des codes. Les plateformes de streaming comme Netflix se sont rendues compte que beaucoup d’abonnés profitaient du binge watching pour s’abonner un mois, faire le tour du catalogue, et se désabonner. En diffusant au compte-goutte les épisodes, Netflix s’assure ainsi l’augmentation du temps moyen d’abonnement.
“C quoi l’info ?” : France Télé lance un JT sur les réseaux sociaux pour les 12-18 ans
Désirant davantage informer les ados, la chaine de télévision publique propose depuis le 18 septembre un JT quotidien de 5mn, intitulé « C quoi l’info ? ». Diffusé du lundi au vendredi à 18h, le format est disponible sur les réseaux sociaux (YouTube, Snapchat et TikTok), et à 18h55 sur la chaîne France Info (canal 27).
“Sur la forme, explique Le Parisien, la différence avec un 20 heures sera marquée. Montage nerveux, incrustations, langage direct, les codes employés seront ceux des réseaux sociaux. « On arrête le jargon journalistique. On ne dira pas Le locataire de la place Beauvau (pour le ministre de l’Intérieur). On veut se mettre à la portée des ados mais en aucun cas singer leur parole. On ne dira pas non plus “C’est claqué au sol”
« C quoi l’info ? » compte surtout faire de la pédagogie au quotidien. « L’idée est d’accompagner pour être sûr que notre public ait bien compris l’information qu’on veut lui transmettre. Quand on dit mis en examen, qu’est-ce que cela veut dire ? »
Télérama, qu’on aurait pu croire moqueurs, salue l’initiative. Sur une semaine, le JT a traité de “sujets éclectiques, pas forcément joyeux, mais expliqués à hauteur d’ados, dès le collège, de façon concise et éclairante” : le suicide des ados, le harcèlement à l’école, le pape en visite à Marseille, les migrants de Lampedusa ou la colère en Libye après les inondations dévastatrices…
« L’objectif est de mettre l’actualité à la portée de tous, urbains comme ruraux : les actualités incontournables, les informations positives, les grandes tendances sur les réseaux sociaux, mais aussi des conseils culturels ou sportifs… »
Voilà un bon exemple de média qui trouve la bonne tonalité et les bons angles pour s’adresser aux plus jeunes. A suivre !
Léna Situations va-t-elle sauver Camaïeu ?
L’histoire de Camaïeu n’est pas tout à fait terminée ! Suite à sa liquidation judiciaire, la marque a été rachetée par Celio pour 1,8M€ (sans reprendre ni les magasins, ni la logistique de l’entreprise). Le PDG de Celio a déclaré vouloir relancer la “marque sœur” » en 2024, d’abord au travers du canal digital avant de songer à d’éventuelles boutiques.
En cette rentrée 2023, la marque a officiellement annoncé son retour sur … le vlog de Léna Situations. Désormais incontournable dans la sphère de l’influence et de la mode, cette créatrice de contenus a annoncé avoir un nouveau sponsor : « … Et en parlant de mode, je suis ravie de vous annoncer que cette mini-séquence est sponsorisée par Camaïeu… They’re back ? Dans un an pile, en septembre 2024, Camaïeu va rouvrir ses portes. »
Dans sa vidéo, Léna relaie les ambitions derrière le come-back : “Ils ont pour but de devenir une marque cool, créative, inclusive et surtout moderne… et c’est là que je rentre en jeu !”
Une annonce d’autant plus particulière qu’elle se poursuit avec un grand appel à candidature pour devenir leur « prochain.e boss de la com’ » :
« Pour ce relancement de marque, Camaïeu souhaite embaucher un directeur ou une directrice de communication. Et ils sont prêts à écouter toutes les candidatures, et trouver la personne qui serait prête à relever le défi.
Si vous souhaitez participer à un processus de création, de relancer une marque, de proposer des idées de communication plus folles que les autres, parce que s’ils m’appellent moi un an avant de relancer la marque, c’est qu’ils sont prêts à tout pour remettre Camaïeu dans le cœur des Français. […] Et peut-être qu’on se verra en septembre 2024 alors… »
Fait notable : pour postuler sur la page dédiée, pas besoin du traditionnel CV ni même d’un profil LinkedIn (il n’y a d’ailleurs pas moyen de les joindre). En revanche, on peut partager ses profils TikTok et Instagram. Signe supplémentaire que Camaïeu visera demain une cible plus jeune ou en tout cas plus digitalisée et connectée que d’habitude.
Coup de com ou vraie démarche de recrutement ? En tout cas, les résultats sont là, explique La Réclame :
– + 2000 candidatures reçues : “très au-dessus des estimations faites en interne” et une moyenne d’âge des candidats de 27 ans ;
– Un engouement et des retombées presse organiques “spectaculaires” : + 100 articles publiés (presse spécialisée et généraliste),
– Un EMV (Earned Media Value) “gigantesque” : + 4 ou 5 millions d’euros.
La recette Camaïeu : la puissance d’attraction d’une stratégie de com’ basée sur le crowdsourcing et amplifiée par une influenceuse à forte caisse de résonance.
TECH & IA
Spotify annonce l’expérimentation d’une traduction automatique des podcasts par IA
“Voice Translation for Podcasts” : c’est le nom d’une nouvelle fonctionnalité proposée par Spotify, qui a développé une IA permettant de traduire les podcast dans d’autres langues, le tout en conservant la voix originale du podcasteur.
Un énorme gisement de business, dans la mesure où des marques peuvent désormais (et sans frais) proposer leurs contenus audios à des communautés de consommateurs élargies aux quatre continents. Puissant !
Le Monde prend ses distances avec Twitter
Dans Les Échos, on lit que le directeur du journal Le Monde, Jérôme Fenoglio, recommande à ses journalistes de moins publier sur Twitter, voire de ne plus que tweeter les liens de leurs articles.
“Dans les médias d'information, on a commis tous l'erreur d'inciter nos journalistes non seulement à aller sur Twitter, mais aussi à y être très actifs. Le réseau s'est mis à ressembler à sa caricature, et sa fonction d'instrument de veille autrefois extrêmement utile est désormais fortement détraquée”
Cette annonce fait suite au mémo interne publié l’an dernier par le patron du New York Times, Dean Baquet :
“If you do choose to stay on Twitter, we encourage you to meaningfully reduce how much time you’re spending on the platform, tweeting or scrolling, in relation to other parts of your job”
CHAPEAU L’ARTISTE
Un bilan de mandat … en Google Maps
Une initiative de communication repérée dans la newsletter Komando (anciennement Sur les Internets). Einat Kalisch-Rotem, la maire progressiste de Haïfa (Israël), a créé une carte Google Maps pour géo localiser ses réalisations effectuées durant son mandat. Une manière simple, efficace et populaire de dresser le bilan de son action. Commentaire de Kéliane Martenon, fondatrice de Komando :
“L'enjeu était de répondre à l'idée que répandaient à la fois les média et ses opposants que la ville ne bougerait pas depuis son élection en 2018. Avec cette carte, elle a trouvé un moyen aussi simple qu'efficace de "donner à voir" son bilan et le fait qu'elle a agi concrètement dans tous les quartiers : plutôt bien vu !”
Aldi Suisse en campagne … électorale
Un exemple repéré sur le blog du spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers. À l’occasion des élections fédérales suisses du 23 octobre prochain, Aldi Suisse a réalisé une campagne d’affichage qui mime une … campagne électorale.
“Reprenant les codes graphiques des affiches électorales, elles mettent en avant la trombine d’un ou une employé(e) avec des slogans consuméristes comme « OUI aux prix équitables » ou « OUI à la qualité pour tous », sans oublier la baseline « votez Aldi ». Sous-entendu : que vous soyez de gauche ou de droite ou entre les deux, chez Aldi Suisse vous bénéficierez d’un rapport qualité-prix imbattable”
Qui a dit que tout avait été déjà fait en matière de communication pour une enseigne de grande distribution ? On est dans la version ultime de bla politisation des enseignes
Jeux Paralympiques : Inclusion, héroïsation ou normalisation ?
En ce lundi 9 octobre, s’ouvre la billetterie pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024. L’occasion de revenir sur les campagnes emblématiques des marques qui se sont, ces dernières années, emparées de ce territoire de communication. Territoire sensible, leur imposant une avancée par itérations et à tâtons pour trouver le bon ton.
Certaines ont fait le choix d’une forme d’inclusion opportuniste en célébrant davantage le rôle des proches (des segments marketing donc) - amis pour Guinness, parents pour P&G - que les athlètes eux-mêmes.
En 2016, Channel 4 renverse la table en choisissant de visibiliser à l’extrême, d’héroïser ces athlètes avec le célèbre We Are Superhuman pour les Jeux de Rio.
Quatre ans plus tard, le mouvement pour l’inclusion #WeAre15 tance gentiment Channel 4 avec un film miroir et ouvre la voie à une « normalisation » des handicapés.
”Non, nous ne sommes pas des superhéros mais simplement des gens normaux qui ne demandent qu’à être perçus comme tels”
Aujourd’hui, alors qu’une personne sur cinq sera en situation d’handicap dans sa vie, c’est cette normalisation qui semble s’installer. Dès 2016 Nike mettait sur le même pied d’égalité tous ses sportifs, valides comme handicapés dans le mémorable Dream Crazier. Une voie qu’a empruntée au même moment Toyota avec sa campagne, toujours en cours, Start You Impossible ; se posant comme un acteur qui permet à tous d’accéder aux mêmes moyens de mobilité. Ou plus proche de nous, géographiquement et temporellement Lacoste avec « le 9e couloir ».
Aujourd’hui l’objectif de « faire voir » est atteint, il faut maintenant « faire venir » les gens dans les stades. Et pas seulement lors des Jeux.
DERNIÈRES PARUTIONS
Un essai : “La France qui change, le temps qui passe (Jean-François Sirinelli, Odile Jacob, 2023)
Comment expliquer qu’Alexandrie, Alexandra (1977) continue de nourrir les bandes sons de biens des mariages, quand tant d’autres chansons sont tombées dans l’oubli ? Qu’est-ce qui explique que l’actrice Sophie Marceau figure aujourd’hui encore dans les femmes en tête du « Top 50 des personnalités préférées des Français », quand tant d’autres carrières cinématographiques autrement plus fournies ont connu un phénomène de relégation mémorielle ?
À rebours des débats contemporains autour de la polarisation culturelle (Juliette Armanet contre « la France Sardou »), Jean-François Sirinelli consacre un ouvrage passionnant sur les « processus de capillarité par lesquels le monde d’avant se rappelle régulièrement à nous ».
Pour mener à bien son travail d’histoire culturelle, l’auteur s’intéresse à ce qu’Alain Corbin a appelé les « cultures sensibles » : la musique de variétés, le cinéma, les émissions de télévision, les bandes FM, les photographies de presse, les concerts, les affiches politiques … Tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, a constitué la culture audiovisuelle de masse depuis les années 1950, et qui fournissent, pour l’auteur, « d’indéniables indicateurs d’intensité tout autant pour les vibrations de l’air du temps que pour des évolutions plus profondes alors à l’œuvre ». Par une technique de zoom, procédant par arrêts sur images successifs, le livre réalise pas loin d’une cinquantaine de « forages dans notre histoire nationale », évoquant aussi bien West Side Story, l’hommage funèbre rendu à Johnny Halliday et Télé 7 jours que l’explosion des transistors, La Boum, Raymond Poulidor ou Coluche.
Un livre fourmillant, impossible à résumer … mais qui tire un fil rouge, qui a valeur de thèse principale. Pour caractériser la propagation des images et des stéréotypes au sein d’une société, l’auteur parle d’une « économie de la mémoire », avec « des valeurs à la hausse et d’autres à la baisse », « des empreintes durables et d’autres plus fugaces » et avec, aussi, « des déclins mémoriels mais aussi également de possibles résurgences ».
À lire !
Une série : “TAPIE” (Netflix)
Après Brigitte Bardot, Netflix s’offre le biopic d’un autre personnage culte de la société française des Trente Glorieuses : Bernard Tapie. Fils de chauffagiste, l’homme incarne à lui seul le mirage des années fric : PDG d’Adidas, président de l’OM, il devient un éphémère ministre de la ville sous Mitterrand, avant de tomber pour escroquerie.
Si la série réalisée par Tristan Séguéla (fils de) fascine autant, ce n’est pas seulement pour la performance XXL de Laurent Lafitte, plus vrai que nature. C’est qu’elle nous replonge dans la destinée d’un Trump à la française : un entrepreneur qui croit pouvoir incarner tout ce que la classe politique, à l’époque (et depuis lors !), n’arrive pas à incarner : un élan, un optimisme, et une certaine vision de la France.
Dernier argument : la scène du face-à-face avec le procureur Eric de Montgolfier, dans le septième et dernier épisode de la série, est de nature à entrer dans le panthéon des grandes scènes sérielles.
Un podcast : “Doja Cat, une star enfin libérée de ses abonnés” (France Inter)
Entendue dans la chronique “Un monde nouveau”. Elle perd 500.000 d'abonnés et s'en réjouit. Après leur avoir dit de lâcher leur smartphone et de chercher un boulot, Doja Cat (hyper star du rap et du R'n'B) a marqué ses distances avec une partie de ses fans qu'elle considérait comme "une grosse bête qui la tirait vers le bas depuis très longtemps". On touche là les limites des relations para-sociales, liens étroits et à sens unique qu'on tisse avec un personnage de fiction, qui faisaient encore partie, des légendes fondatrices du web 2.0.
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