Le climato-complotisme, le “Journal Météo Climat”, Quotidien boomerisé, la politisation des influenceurs, le marché publicitaire en 2022, la première campagne employeur Leclerc, #BoldGlamour et Tsunami … elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà la veille des idées du mois d’avril 2023. Bonne lecture !
Temps de lecture estimé : 15 minutes
LE CLIMATO-COMPLOTISME
« Dictature climatique », « Pass climat », « Great reset » : une étude passionnante publiée par la Fondation Jean Jaurès propose une plongée dans la mouvance climato-complotiste.
L’amplification massive de la conversation climatique sur Twitter (+90% en un an) s’est accompagnée de l’apparition et de l’amplification de contre-récits. Pour étudier le phénomène, le dispositif déployé est inédit : il croise une écoute fouillée des réseaux sociaux (ou opinion mining, avec l’agence Opsci) pour identifier les narratifs les plus en vogue, et un test quanti sur 2000 Français (avec l’institut Cluster 17) pour juger de leur taux de pénétration dans la population.
L’étude, très longue, est riche d’enseignements ; nous vous proposons d’en retenir quelques-uns.
La fabrique des narratifs climato-complotistes sur Twitter
“Le climat devient non seulement un sujet de mobilisation culturelle, mais aussi l’une des lignes de fracture politique les plus marquantes” explique l’étude. En atteste l’augmentation importante durablement du sujet climatique et énergétique (+300 % depuis 2020), et la diffusion des narratifs de la critique des EnR (+70 % depuis 2020 pour l’anti-éolien par exemple), ou du « nucléaire vert » (+48 % depuis 2020).
Un repositionnement des communautés complotistes sur les thématiques climatiques
Mais le plus frappant, notent les auteurs, c’est qu’on observe depuis septembre 2022 le transfert sur des thématiques climatiques du discours de défiance radicale envers le “système” né en réaction à la crise liée à la Covid-19 . D’où la progression fulgurante de termes comme “dictature climatique” (+65% entre janvier 2020 et octobre 2022), “pass carbone” (+271%) et “pass climat” (+376%) : inexistantes en 2020, ces expressions connaissent d’importants pics de mobilisation depuis début 2022.
“Dans ce type de récits, la crise climatique est souvent présentée comme la suite logique de la crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine, lesquelles s’inscrivent également dans une tactique d’ingénierie sociale visant à faire accepter un nouvel ordre mondial, où l’autonomie individuelle serait réduite de manière significative (« servitude volontaire »), notamment à travers des dispositifs « liberticides » (…).
“Le récit du « complot des élites contre le peuple » se cristallise dans l’idée de l’avènement imminent de la dictature climatique qui s’inscrit dans le plan du « Great Reset » (828 publications, 14,5 % des expressions). Cette thèse, propulsée par les communautés anti-vaccins et antimondialistes, avait pour point de départ leur interprétation des appels à un « Great Reset » lancés par le Forum économique mondial en juin 2020”
Les narratifs climatiques des anti-vaccins
L’examen de la masse de messages identifiés par Opsci fait apparaître des positionnements relativement hétérogènes, pas encore totalement fixés, mais qui ont en commun d’être animés par de véritables “entrepreneurs complotistes” très mobilisés et très actifs, qui oeuvrent à “faire converger vers une vision du monde antisystème et anti-élites, teintée de conspirationnisme”.
« Climato-réalisme » : le climato-scepticisme à la française
Le climato-scepticisme fait depuis longtemps partie de la vision du monde défendue par des sphères conspirationnistes, notamment aux États-Unis. Mais plutôt que de contester l’existence du réchauffement climatique, le “climato-complotisme à la française” préfère en discuter les causes effectives, tout en se livrant à une entreprise de décrédibilisation de la communauté scientifique, explique l’étude.
“Leur principale ligne d’attaque consiste ainsi dans la réfutation de ceux qu’ils qualifient d’« idéologues du climat », au premier rang desquels les experts du GIEC (318 publications, 6 % des expressions). Refusant d’être considérés comme des « climato-sceptiques », ils se présentent comme des « climato-réalistes », en s’attribuant une capacité de comprendre les origines multifactorielles du changement climatique. Il s’agit donc ici de relativiser, voire d’exonérer la responsabilité de l’activité humaine dans le changement climatique”
Vers un ecological backlash ?
Pour étudier le potentiel de pénétration réel de ces énoncés climato-complotistes au sein de la société française, et s’assurer qu’il ne s’agit pas d’expressions marginales, voire farfelues, de militants radicaux déconnectés du pays réel, l’étude a testé les différents narratifs sur 2000 personnes représentatives de la population française.
“Les résultats que l’on va exposer indiquent, plutôt, qu’une partie de l’opinion est déjà acquise à de tels narratifs ou, plus probablement encore, ils révèlent une disponibilité à les recevoir positivement et donc, sans doute, à les relayer dans certains segments de la population”
Quatre Français sur dix adhèrent à des énoncés climato-complotistes
On observera, tout d’abord, l’existence d’un large consensus sur le réchauffement lui-même : seuls 3% des sondés considérant qu’ « il n’y a pas de réchauffement climatique ». Ce n’est pas sur ce point que se concentre le scepticisme, mais bien plus sur les origines du phénomène : ainsi, 27% des interrogés ne croit pas que l’activité humaine soit la cause principale du réchauffement climatique en cours.
L’étude révèle que la disponibilité à adhérer à de tels énoncés est particulièrement élevée, bien au-delà d’ailleurs du strict climatoscepticisme :
— 41% des sondés se déclarent d’accord, dont 19% « tout à fait d’accord », avec l’affirmation selon laquelle « La crise climatique est un prétexte utilisé par les gouvernements mondiaux pour limiter les libertés des individus »,
— 42% valide l’affirmation selon laquelle « Les élites ont pour projet d’instaurer une dictature climatique »,
— 30% des sondés sont d’accord (et 15% “Tout à fait d’accord”) pour dire que « La crise climatique est une stratégie de manipulation du peuple par les élites comme le Covid-19 ou la guerre en Ukraine ».
Ce que relève l’étude, c’est que ce n’est pas le rapport à l’écologie qui constitue le facteur le plus déterminant pour interpréter les résultats. ““Nul n’est besoin de contester l’origine humaine du réchauffement climatique pour adhérer au récit d’un agenda caché et d’un projet de « dictature climatique »”. Ce qui compte, c’est la dimension proprement subversive et la méfiance vis-à-vis du “système” et de tous ceux qui l’incarnent : journalistes, autorités scientifiques, responsables politiques, experts …
“La réception de ces contre-récits dépend moins de l’objet du discours que de la logique qu’ils donnent à voir : celle d’un agenda caché, d’un mensonge, d’une manipulation, bref d’un « complot conduit par les élites »”
Le commentaire Cortex : Ce qui est frappant dans cette étude, c’est que c’est précisément au moment où nous aurions collectivement besoin d’accélérer la transition écologique que l’acceptabilité des mesures ou des engagements pris risquent de se heurter au mur du climato-complotisme.
Alors que tous les acteurs économiques sont embarqués dans des politiques RSE pro-climat, les conséquences du climato-complotisme sont potentiellement considérables pour le monde de l’entreprise. Devront-elles demain jouer sur deux fronts : prouver leurs actions (#greenwashing) et prouver leur bonne foi (#climatocomplotisme) ?
SIGNAUX FAIBLES
Le nouveau “Journal Météo Climat” de France Télévisions
Depuis le 13 mars dernier, la météo du soir de France 2 et de France 3 change de formule pour davantage prendre en compte l’urgence climatique. L’objectif : aller plus loin que le traditionnel “il va faire beau demain” ou “il va pleuvoir”, pour 1/ montrer les liens entre météo et réchauffement climatique et 2/ mieux faire comprendre les conséquences concrètes.
Une vidéo de Brut détaille les modifications apportées : apparition de nouveaux indicateurs à l’écran (comme l’augmentation de la température de la planète liée à l’activité humaine depuis 1900) ; ajout de reportages ou de réponses de spécialistes de climat à des questions de téléspectateurs ; accès en ligne à un tableau de bord qui permet de comparer la météo du jour à l’historique des températures …
La politisation des influenceurs
Alors que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la “loi sur les influenceurs” visant à mieux encadrer les pratiques des influenceurs sur les réseaux sociaux, on a pu observer ces dernières semaines un nouveau phénomène. De plus en plus d'influenceurs, petits comme grands, sortent du silence pour évoquer des sujets politiques avec leurs communautés.
Premier exemple, la mobilisation contre la réforme des retraites. Léna Situations, Seb la Frite, Freddy Gladieux ou encore Sullivan Gwed ont tous posté des messages contestataires, allant de l’utilisation du 49.3 par le gouvernement à la dénonciation de la répression policière.
Pour Stéphanie Lukasik, enseignante chercheuse à l'université du Luxembourg, ce phénomène de sortie du silence des influenceurs face aux sujets politiques est plutôt nouveau :
"Auparavant les influenceurs essayaient de tenir une neutralité vis à vis de l'actualité politique", déclare t-elle. Dans un second temps, les "influenceurs ont pris le pouls de leur communautés respectives et ont pris la décision de sortir du silence" (France 3)
Deuxième exemple, la campagne d’influence lancée sur TikTok et Instagram par une coalition d’acteurs (Lime, Dott et Tier, trois opérateurs de trottinettes électriques en libre-service) dans l’optique du vote organisé par la mairie de Paris le 2 avril afin de se prononcer pour ou contre l’interdiction des trottinettes en libre-service en septembre 2023.
Le problème, c’est que certaines des publicités diffusées à la demande des opérateurs de trottinettes sont illégales, car elles n’affichent pas leur caractère commercial :
“Ainsi, une publicité diffusée par l’influenceur Ethan Berrebi et cumulant près d’un million de vues incite les jeunes utilisateurs de TikTok à aller voter ce 2 avril pour “le maintien des trottinettes électriques” que certains voudraient “bêtement” interdire. Le tout, sans aucune mention du lien commercial avec les entreprises du secteur” (BFM)
Interrogé, David Belliard, adjoint à la mairie de Paris en charge des mobilités, déclare que ces pratiques d’influence posent un problème démocratique :
“Cela pose question sur le rôle de ces influenceurs dans une démocratie, qui ne sont pas du tout encadrés ni régulés, et des moyens mis sur la table par des entreprises privées pour peser sur le résultat d'un vote” (BFM)
Serait-ce la suite logique de la désinfluence ? Dans tous les cas, on ne peut s’empêcher de penser que ces prises de position constituent une réponse à la critique générale de l’utilité sociale des influenceurs …
La Kings League : vers un nouveau modèle de sport professionnel ?
Lancée en janvier 2023, la Kings league, cofondée par le footballeur Gérard Piqué et la star du streaming espagnol Ibai Llanos, rassemble 12 équipes composées de 7 joueurs. Mini-terrain, tailles des cages et temps de jeu réduits - la Kings League pratique un mélange de foot et de e-sport, avec :
i/ des règles de jeu issues des codes gaming intégrant des « power up » (changements illimités) une «golden gard » (carte joker tirée au sort avant la rencontre)
ii/ une dynamique communautaire : des règles votées par les fans – qui annoncerait l’ère des « Fan-controlled leagues » (déjà le cas dans le baseball, dans le cricket avec The Hundreds)
iii/ et une pointe de célébrité : des équipes parrainées par Iker Casillas ou Sergio Agüero
On observe le passage d’un modèle de sport professionnel centré sur la performance athlétique à un modèle plus axé sur le spectacle et le divertissement : battle de rap en animations, célébration de buts avec fusées éclairantes, stroboscope, joueurs mystères masqués comme des lutteurs de Lucha Libre mexicaine... Une seule règle, le show.
Il s’agit d’un modèle plus adapté aux nouveaux usages média (streaming, cross plateforme, live, collaborations), qui participe au recrutement des fans les plus jeunes. La dynamique communautaire préfigure peut-être une ère des « cyber-socios » (qui, dans le modèle latino-américain, sont plus que des fans ou supporters, mais d’authentiques parties prenantes du club) et une priorisation du spectacle et du plaisir devant la performance et le dépassement de soi.
Et ça marche, avec des résultats probants pour la première saison : 15 millions de visionnage pour la finale sur Twitch. En quelques mois seulement, la chaîne Kings League est devenue la troisième la plus puissante de la plateforme avec 27 millions d’heures visionnées. Et ce n’est que le début, car le modèle s’exporte : Piqué a annoncé l’arrivée de Neymar et Ronaldinho à la tête d’équipes au Brésil. Le sport 3.0 a de beaux jours devant lui.
ACTUALITÉS MÉDIA
Marché publicitaire 2022 : une croissance maintenue
Ce mardi 15 mars 2023, l’IREP (Institut de Recherches & d'Études Publicitaires), France Pub et Kantar Media réunissaient régies et agences médias pour présenter les résultats 2022 du marché publicitaire. Le Cortex vous a sélectionné les principaux enseignements :
1/ Un marché en croissance
On retiendra que sur l’année 2022, les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des médias s’élèvent à 16,7 milliards d’euros, en progression de +5% par rapport à 2021. Cette tendance positive montre la bonne résistance du marché des médias, soutenu par les synergies avec le digital.
C’est d’ailleurs le digital qui enregistre la plus forte croissance : 8,5 milliards d’euros ont été instis sur les différents leviers, soit une progression de +10,3% vs 2021. Le digital représente désormais 51% du total marché.
Les 3 médias les plus investis sont désormais :
- le search (3,7 milliards d’euros / +13,4%)
- la télévision (3,5 milliards d’euros / -1,5%)
- le social média (2,2 milliards d’euros / +9,5%)
2/ La distribution en haut du panier
La distribution est toujours le 1er secteur à investir en publicité, en croissance de +9% vs 2021. Mais les plus fortes progressions proviennent des secteurs tourisme (+31%), mode (+19%), culture loisirs (+17%) et beauté (+11%). Côté annonceurs, 3 enseignes alimentaires occupent le podium : LIDL (+4%), E. Leclerc (+5%) et Intermarché (+8%).
3/ Coup de frein sur les communications RSE
Avec 3,5 milliards d’euros bruts investis sur les campagnes RSE, la thématique perd -2,7% vs 2021. L’économie prenant le pas sur l’écologie, le poids de la RSE dans les campagnes publicitaires passe de 11,9% à 11,5%. Tous les médias n’affichent pas la même tendance. Alors que la presse, la radio, la publicité extérieure et le display ont des évolutions très positives, la télévision affiche une baisse de -9,5%.
A lui seul, le secteur automobile représente 37,7% des investissements RSE. 58% des investissements de ce secteur portent un discours RSE (véhicules hybrides ou électriques). L’alimentation, dans ce contexte d’inflation et de baisse de pouvoir d’achat, change de discours : 11,1% des IP sont catégorisés RSE vs 15,2% en 2021. Idem pour le secteur beauté : 8,9% des IP sont RSE vs 13,5% en 2021.
4/ Et pour 2023 ?
Prévoir comment va évoluer le marché publicitaire est un exercice de plus en plus délicat : les évolutions peuvent fortement varier d’un semestre à l’autre. En 2022, le 1er semestre affichait une croissance de +8,7% vs +2,8% au 2ème semestre.
Il faut s’appuyer sur des éléments de contexte pour réaliser ces prévisions. Selon la Banque de France, l’économie française devrait échapper à la récession en 2023 avec un PIB en croissance +0,6%. Par ailleurs, l’indice de confiance des ménages continue de se dégrader (81 en mars 2023). Ainsi, selon les premières estimations de France Pub, le marché de la communication (5 médias historique, digital et autres médias) devrait progresser de +3,2% en 2023.
La production musicale française en 2022
Pour la première fois en France, la barre symbolique des 100 milliards de titres audio streamés a été franchie en 2022. Le volume annuel d’écoute a été multiplié par deux en 4 ans, selon le dernier rapport publié par le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep). Ces données témoignent de la belle dynamique du streaming audio et s’accompagnent d’une autre évolution très largement positive, celle du chiffre d’affaires qui fait un bond de +12,5% par rapport à l’année 2021 pour atteindre 486 millions d’euros.
Ces bons résultats ne doivent pas occulter la réalité d’une industrie qui a profondément souffert de l’avènement du numérique. La filière musicale est encore loin des niveaux flamboyants du début des années 2000 où le CD régnait sur les ventes - 1,487 milliard d’euros de revenus en 2002 contre 920 millions aujourd’hui –, mais semble avoir trouvé son point d’équilibre.
Source : Snep, « La production musicale française en 2022 », mars 2023
Si les revenus de la musique numérique sont excellents, ceux du marché physique sont à la peine et marqués par la baisse notable des ventes de CD. Avec un chiffre d’affaires de 104 millions d’euros, le marché du CD accuse une baisse de -25% par rapport à 2021. A l’inverse, le marché du vinyle continue d’exploser, ce qui fait dire au Snep :
« Si les ventes de supports marquent le pas dans leur ensemble, le vinyle lui, tire son épingle du jeu avec une hausse de 13% en valeur : il représente désormais 45% des revenus du physique contre moins de 1% il y a 10 ans. Alors que le CD reste tout juste la seconde source de revenus du marché, les deux principaux supports physiques font désormais quasiment jeu égal. »
Qui aurait pu prédire que le vinyle, format musical en totale perdition depuis plusieurs années, revienne à ce point en force ? Avec 5,4 millions d’unités vendues en 2022, il est devenu aujourd’hui l’un des supports d’écoute les plus populaires et rencontre auprès des jeunes générations un engouement spectaculaire. Les moins de 35 ans représentent, en effet, 59% des acheteurs, un taux qui progresse de 8 points en un an.
Les Français consacrent 3h48 par semaine (6h24 pour les 16-24 ans) à l’écoute de musique en streaming par abonnement. Dans le même temps, ils se ruent sur les vinyles et certains artistes comme Eminem, The Weeknd, Lady Gaga lancent leur album dans un format que l’on croyait aussi mort et enterré : la cassette audio. C’est tout le charme quelque peu paradoxal de nos vies connectées !
“Si vous êtes dans l’industrie culturelle, vous devez être dans les jeux vidéos”
Nous vous en parlions lors de la dernière Cortex Newsletter : le mois dernier, Warner Bros a sorti un nouveau titre Harry Potter, “Hogwarts Legacy”, amassant plus de $850 millions en quinze jours. Ce qui en fait le deuxième lancement le plus réussi de l'histoire du studio de cinéma. Mais "Hogwarts Legacy" n’est pas un film : c’est un jeu vidéo. The Economist en tire une analyse très intéressante sur “la façon dont le jeu vidéo surpasse les anciens médias, à la fois en tant qu'entreprise et en tant que moyen pour les gens de se divertir”
Le marché du jeu vidéo explose : les consommateurs devraient dépenser 185 milliards $ en jeux vidéo cette année, soit cinq fois ce qu'ils dépenseront au cinéma et 70 % de plus que ce qu'ils alloueront à des services de streaming comme Netflix. Mais à mesure que le jeu mûrit, avertit The Economist, “les jeux vidéos ne se contentent pas de rivaliser avec d'autres médias. Comme un Pac-Man vorace, ils les engloutissent”
Dans le même temps, le public consomme de plus en plus d'anciens médias à travers les jeux vidéos :
“La dernière saison de "The Walking Dead", une série télévisée de longue date, a pris la forme d'un jeu interactif sur Facebook. Des musiciens comme Ariana Grande donnent des concerts sur "Fortnite". La vidéo fitness cède la place au jeu fitness”
Les nouveaux modèles économiques sont une autre source de croissance, ajoute The Economist. Alors que le dernier boom du jeu vidéo a été propulsé par les jeux gratuits qui se monétisaient via des publicités et des achats dans le jeu, une nouvelle phase d'expansion arrive : celle des abonnements aux bibliothèques de jeux. Ces nouveaux mécanismes de distribution et modèles commerciaux promettent plus de choix aux consommateurs, “à la manière du bouquet de câbles pour la télévision”.
Conséquence : Apple et Netflix se bousculent pour compléter leurs offres de streaming avec des jeux vidéos ; en août, Sony Pictures sortira "Gran Turismo", un film basé sur un jeu Sony avec des chansons d'artistes de Sony Music. Conclusion : ““Si vous êtes dans l’industrie culturelle, vous devez être dans les jeux vidéos. Les entreprises médiatiques qui ignorent le jeu vidéo risquent d'être comme celles qui ont décidé dans les années 1950 de rester à l'écart de l'engouement pour la télévision”
Cela fait plusieurs années que le CA du jeux vidéo a dépassé celui du cinéma, mais jusqu’à présent le gaming demeurait une sorte d’univers parallèle, fonctionnant en silo. Le fait novateur, c’est que désormais il se diffuse et interpénètre les autres industries culturelles.
CHAPEAU L’ARTISTE
CIC : “Franchement, j’sais pas où on va là”
Dans sa dernière campagne, CIC s’appuie sur un insight sociétal : le brouillard général dans lequel nous semblons tous plongés. “Franchement, j’sais pas où on va là” répète une femme à plusieurs occasions - devant son mari qui répare un robinet cassé, devant un étalage qui propose des cerises en hiver, chez son psy.
Réponse de CIC : “Au moins, on sait où va notre épargne ! ”
Une réponse à la hauteur de la marque : à défaut de trouver des solutions sur le sens de l’existence, la banque propose de tracer le financement des “commerces et petites entreprises de votre région”. C’est toujours ça de pris …
La première campagne employeur Leclerc : “Nos métiers”
« Quand on travaille chez E.Leclerc, on ne travaille pas que pour E.Leclerc » : au travers de trois films, Leclerc signe sa première campagne employeur en mettant l’accent sur l’engagement de l’enseigne et la participation active de chaque collaborateur à défendre des causes essentielles à notre époque.
Une hôtesse de caisse Leclerc ne fait pas que scanner des produits ; elle contribue à lutter contre l’isolement des personnes âgées. De la même façon, une responsable qualité Leclerc s’engage chaque jour à lutter contre le gaspillage alimentaire, et une libraire Leclerc contribue à favoriser la lecture auprès des plus jeunes.
L’intérêt de cette campagne est qu’elle forme une sorte de continuum entre la communication produit, la communication corporate et la communication employeur.
TIK TOK TRENDS
#BoldGlamour
Peau parfaite, visage fin, sourcil bien dessinés et make-up on fleek, non je ne parle pas de moi, mais bien du filtre Bold Glamour.
Téléchargé 16 millions de fois en un mois, ce filtre a récemment fait polémique. Accusé d’entretenir des idéaux de beauté inatteignables, Bold Glamour est pointé du doigt pour son réalisme. En effet, pour la première fois l’IA ne transforme pas le visage de l’utilisateur en quelqu’un d’autre mais s’adapte complétement à celui-ci, à ses traits, sa morphologie. Le résultat : soi mais en « mieux ». Enfin … selon des standards de beauté occidentaux et peu inclusifs… Autant d’injonctions qui viennent impacter l’estime de soi et favorisent l’apparition de troubles dysmorphiques chez des jeunes de plus en plus accros à la chirurgie esthétique.
Heureusement, certains influenceurs comme Natoo ne manquent pas de dénoncer avec humour l’aspect artificiel du filtre. Et certaines marques s’y mettent à leur tour : c’est le cas de Dove qui a lancé le mouvement #Turnyourback, invitant les utilisateurs à se filmer en tournant le dos au filtre pour prôner l’acceptation de soi.
#Dupes
Vous voyez cette sensation grisante sur Vinted quand vous dégotez exactement l’article que vous vouliez en moins cher ? C’est un peu le principe des dupes sur TikTok (en moins responsable). Versions plus cheap de produits de marques luxueuses, les dupes correspondent à des contrefaçons, la connotation négative en moins.
Parce que oui, sur TikTok, dénicher des dupes, c’est pas craignos : c’est juste malin. Ce n’est pas nouveau : on se souvient des vidéos YouTube make-up comparatives : “VOUS NE DEVINEREZ JAMAIS QUEL EST LE FOND DE TEINT CHANEL ET QUEL EST LE PRIMARK”. Mais sur TikTok, le phénomène prend une tout autre ampleur.
Sur la plateforme, le hashtag #dupes cumule près de 2 milliard de vues avec des formats de vidéos diverses allant du carrousel de photos aux essayages en direct. Le but pour les créateurs de contenu : prouver la ressemblance entre l’original et le duplicata, soit dans l’aspect physique, soit dans ses propriétés. L’idée implicite est de se montrer plus futé que la marque en question : pas besoin d’investir quand on peut accéder à des prestations similaires pour moins cher.
Au-delà du sujet de la frontière très floue avec la contrefaçon, ces dupes nous poussent aussi à nous questionner sur le luxe, la valeur de la marque, le statut social qu’on lui confère. Mais on pourrait aussi parler de la durabilité de la chose, parce qu’on ne va pas se mentir : les dupes font le beurre d’enseignes pas très écolos (coucou le #amazondupesfinds).
DERNIÈRES PARUTIONS
Un roman : “Tsunami” de Marc Dugain (Gallimard)
Un entrepreneur gagne une élection présidentielle sur un triptyque numérique - renouveau démocratique - écologie. Mais sa proposition de loi rendant obligatoire un pass carbone à toute la population provoque un profond soulèvement dans le pays …
Fidèle à son genre de narration très réaliste, Marc Dugain signe un roman haletant sur la difficulté de gouverner dans “la France des années 2020”. Il constitue également une petite mine à insights, comme lorsque le président, en visite dans un nouvel hôpital psychiatrique, demande au médecin en chef : “Selon vous, quel est l’état mental du pays ?”
Réponse dans Tsunami !
Un documentaire : “Succession” (France 2)
Dans le magazine 13h15 le dimanche, France Télévision innove avec un nouveau format de narration de l’actualité pour le moins … décapant. Intitulé “Succession”, la promesse est de réaliser une “série sur l’après Macron”. Le premier épisode de 90mn, prometteur, nous embarque dans “La bataille des retraites”, et fait défiler des députés, des ministres, des acteurs syndicaux.
S’il s’agit d’un documentaire, la mécanique filmique est très moderne, empruntant largement aux codes de la série. « On voulait faire une série qui pourrait amener les téléspectateurs mais surtout les jeunes à regarder la politique avec un nouveau regard », indique Jean-Michel Carpentier, rédacteur en chef du magazine 13h15 le dimanche (20minutes). A plusieurs moments, des députés se trouvant en plein débat parlementaire, équipés de micro, fixent la caméra et se mettent à parler dans le tumulte - à la façon d’un Frank Underwood dans House of Cards …
Le résultat est saisissant, mais faites vous une idée en le regardant ici !
Un podcast : “Manifestation 2.0 : la lutte sociale en réseaux” (France Culture)
Chaque réseau social a sa spécificité, sa grammaire, sa puissance virale : il faudrait ajouter que tous ont apporté leur contribution à une lutte sociale - les Printemps Arabes pour Facebook, Nuit debout pour Periscope, Metoo pour Twitter.
Au-delà de la synchronisation d'un réseau avec une époque, il est intéressant de noter qu'ils ont tous su apporter, par leurs fonctionnalités, une réponse à un besoin des mouvements sociaux : Periscope et Twitter ont apporté le live, Facebook l'organisation grâce aux groupes, Instagram a glamourisé par l'image et Twitch est le meilleur pour la collecte de dons.
Et TikTok, alors ? Dans ce podcast de France Culture, ce sont Rémy Buisine, journaliste chez BRUT, Artoise, journaliste et streameuse au sein du collectif Piquet de Stream, et Edouard Bouté, chercheur en sciences de l’information et de la communication au CERES à Sorbonne Université, qui tentent de donner des réponses. À écouter ici !
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous le mois prochain pour un prochain numéro de la CORTEX NEWSLETTER.
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