Inflation alimentaire, mouvement FIRE, Career Kueen, shih tzu, des “screenagers” aux “swipeagers”, l’écologie culturelle, “Chief Bullshit Officer” … elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà la veille des idées de l’été 2022 (juillet / août).
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BIENVENUE DANS L’INFLATION
Back to the 1980s
“L’économie des pays de l’OCDE va, dans les prochaines années, ressembler davantage à celle des années 1980-1990 qu’à celle des années 2010” avertit l’économiste Patrick Arthus dans Le Monde. En cause : le retour à une économie structurée par une forte inflation.
Ce qu’il souligne, c’est que ce qui pose vraiment problème n’est pas le nouveau régime économique en lui-même, mais la transition entre le régime des années 2010 et ce nouveau régime :
“C’est à cette transition que sont confrontés aujourd’hui les ménages, les entreprises, les gouvernements et les banques centrales. La hausse importante des taux d’intérêt va contraindre le secteur privé comme les Etats à une forte réduction des taux d’endettement, donc les contraindre à épargner ; le recul de la valorisation des actifs va entraîner une douloureuse perte de richesse pour les détenteurs de patrimoine et une perte de pouvoir d’achat pour les autres, le temps qu’une meilleure indexation des salaires se mette en place”
Le coût du passage de l’économie sans inflation à une économie de cycles d’inflation risque d’être très élevé. Au-delà des seules enseignes de la grande distribution, il est temps que les marques dans leur ensemble intègrent cette nouvelle donne.

Faire face à l’inflation alimentaire
Pour la première fois depuis 2008, l’inflation alimentaire franchit en juin la barre des 5 %. C’est le constat dressé par le cabinet d’analyses IRI France, qui scrute les achats des consommateurs après leur passage en caisse des supermarchés et des hypermarché.
Au total, 21 catégories de produits de grande consommation connaissent une inflation supérieure à 10% - parmi elles : le steak haché surgelé (+20,9% en un an), les pâtes alimentaires (+17%), la moutarde et les huiles (+13%),les plats préparés à base de viande et de pâtes (+13%) ou encore les oeufs et le beurre (+9%).
Une enquête du Figaro s’est intéressée aux “sacrifices quotidiens des consommateurs” pour y faire face. En collaboration avec le cabinet NielsenIQ, la revue 60 millions de consommateurs a réalisé une étude sur le comportement des consommateurs face à l'inflation :
“Parmi les 6000 personnes interrogées, près de la moitié tente de limiter ses dépenses en carburant, et 47% les dépenses d'habillement. La même proportion réduit ses sorties au restaurant ou au cinéma. 14% des ménages étaient déjà contraints dans leurs dépenses avant l'inflation. Avec ce nouveau phénomène, ce sont pratiquement 63% qui se disent fragilisés”
Dans les rayons, cela a pour conséquence une baisse des ventes de produits «plaisir», comme le whisky ou le chocolat, et une tendance à se rabattre vers les produits de gamme inférieure, comme les marques distributeur ou les marques blanches.
Une étude McKinsey datée du mois d’avril montrait déjà qu’une forte proportion de consommateurs avait changé de marques pour des raisons de pouvoir d’achat :
“Je n’ai jamais vu autant de gens arriver en caisse et y laisser les deux ou trois articles qui excèdent leur budget, s’inquiète Michel Edouard Leclerc. Beaucoup utilisent aussi les scanettes, qui per mettent de composer leur budget au fur et à mesure de leurs courses”
Comme la TVA, l’inflation touche plus frontalement les plus démunis, et les politiques montrent qu'elle nécessiterait une gestion plus "au cas par cas". N'est-ce pas le moment pour les marques qui se veulent populaires ou universelles de réfléchir à une démarche tarifaire dégressive afin de rester accessible pour les plus démunis et conserver leurs marges auprès des foyers aux revenus plus élevés ?

NOUVEAU MONDE DU TRAVAIL
Le mouvement FIRE prend de l’ampleur
Le Figaro a consacré la une de son magazine hebdomadaire à “Ces français qui ne veulent plus travailler”. Outre les propos attendus sur les 35h, on fait la découverte d’un mouvement intéressant : le FIRE (Financial Independence, Retire Early), issu des Etats-Unis, est un mouvement qui prône l'indépendance financière et la retraite précoce. L’objectif : parvenir le plus rapidement possible, via des investissements bien choisis, à gagner suffisamment d'argent pour quitter le monde du travail bien avant les 62 ans. Le mouvement compterait plus de 30 000 membres en France.
“L’ambition a changé de camp : elle a basculé du professionnel au personnel”
Dans une tribune publiée chez Usbek & Rica, Anne-Claire Ruel, autrice et productrice du podcast « Les Moments Vacants », explore de façon très personnelle les nouveaux enjeux du monde du travail - qu’elle synthétise en “3F” : frontière, fun et frustrations.
Frontière - ou plutôt, l’absence de frontière entre vie pro / vie perso à l’ère du télétravail. “Charge mentale partout, moments vacants nulle part, pour les petits auto-entrepreneurs tout comme les salariés”
Fun - “Dans cette société où la norme est l’hédonisme, le travail doit être fun ; l’amusement, permanent ; l’effort inexistant”
“Dès lors, l’ambition a changé de camp. Elle a basculé du côté professionnel au côté personnel. Le métier n’est plus une source de fierté, il est relégué au second rang, comme un figurant. Désormais, l’épicentre des priorités, c’est le bien-être, la vie privée et sa sainte trinité « barbecue, piscine, trampoline »”
Frustration - “Les métiers passion sont comme les pandas : en voie de disparition (…). Un métier « cool ». Oui, mais à quel prix ? Horaires à rallonge, salaire indécent, machine à clics, cadence irréelle et flux toujours plus tendu de contenus, absence de documents pour louer, emprunter ou acheter”
Des employeurs testent le congé sabbatique rémunéré pour fidéliser leurs salariés
Jusqu’où ira le mouvement de balancier qui voit s’inverser le rapport de force entre employeurs et salariés, au profit de ces derniers ? Le Monde a enquêté sur ces entreprises qui inventent des nouveaux dispositifs RH pour fidéliser leurs salariés. Parmi eux, le congé sabbatique … rémunéré. Un nombre croissant de start-ups et, surtout, de grands groupes, le proposent :
“Il y a un an, Accenture a mis en place un « congé priorité personnelle » de trois mois, pour permettre à un collaborateur de se consacrer à un projet personnel tout en restant rémunéré à 50 % de son salaire brut (…). Fin 2021, Orange a signé un accord social prévoyant un « congé respiration » pour ses salariés en milieu de carrière. Encore expérimental, ce dispositif leur offre de faire une pause de trois à douze mois, tout en continuant à être rémunéré à 70 % de leur ancien salaire”
De la même façon que la façon dont on élève ses poulets est devenu un argument de vente (cc KFC), la façon dont une entreprise “traite” ses salariés va peut-être devenir un fort argument d’attractivité. Une nouvelle ère pour la com RH ?
Sur Tiktok ou Facebook, une nouvelle entraide entre jeunes salariés
« Mon employeur a-t-il le droit de m’imposer des congés ? », « J’ai un contrat de trente-cinq heures et mes heures supp ne sont ni payées ni récupérées en RTT, est-ce normal ? », « Quand dois-je dire à mon employeur que je suis enceinte ? »… Un article fouillé du Monde s’est penché sur la façon dont les jeunes salariés utilisent les réseaux sociaux pour se documenter sur leurs droits, mais aussi pour renouveler les formes de mobilisation.
On découvre qu’une poignée d’influenceurs TikTok se sont spécialisés dans le conseil aux jeunes actifs : Career Kueen (560 000 abonnés), Mama Job (573 000 abonnés), Daylitis avocats (228 000 abonnés), Marion DHM RH (60 000 abonnés), etc.
“Karine Trioullier, alias Career Kueen, voit son rôle comme celui d’un « intermédiaire » entre le salarié, le management et les ressources humaines, « qui aide un peu à normaliser les relations entre les uns et les autres, pour éviter d’entrer dans un rapport de force »"
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A côté, des groupes Facebook mettent depuis une dizaine d’années en réseau des travailleurs partageant des problématiques communes : “Le coin des équipiers McDo”, “Tu sais que tu bosses chez Orange quand…”, etc.
“On y partage des témoignages de sa vie dans l’entreprise ou des réflexions sur ses conditions de travail. On s’y informe sur ses droits, on y organise des mobilisations parfois, ou bien l’on y dénonce par la dérision une certaine évolution du travail. A côté, là encore, des structures historiques que sont les syndicats professionnels, au sein desquels ces différentes activités ont pu s’organiser par le passé”
Dans son ouvrage “Une colère française” publié aux lendemains du mouvement des Gilets jaunes, le sociologue Denis Maillard constatait la faillite des corps intermédiaires traditionnels (organisations syndicales) : « faute de ne pas avoir trouvé au sein d’organisations, incapables de se transformer en véritable syndicalisme de services, ce dont ils avaient besoin, les individus sont allés chercher de l’aide chez d’autres intermédiaires et selon des modalités propres à la société de marché”. Il voyait dans les tutoriels les nouveaux corps intermédiaires : et si c’était au tour de TikTok et de Facebook de « prendre le relais des anciens corps intermédiaires pour aider les individus et leur permettre d’être autonomes et de se débrouiller seuls » (D. Maillard) ?
“Tout plaquer pour devenir salarié”
A l’inverse, d’autres marques prennent le contre-pied de l’ère du temps pour mener la bataille culturelle … du salariat.
C’est le cas de la Swile card, une carte qui permet aux salariés de cumuler en une carte unique : leur carte ticket-restaurant, les chèques cadeaux et les avantages mobilités. Ce qui permet à la marque d’oser ce délicieux slogan : “Tout plaquer pour devenir salarié”
TENDANCES
La “fièvre coopérative”
Un article de l’ADN est consacré à l’association Les Licoornes (avec deux o, pour “coop”), regroupement de neuf entreprises françaises au statut de coopérative.
“Ces Licoornes répondent toutes au doux acronyme de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), et sont régies par deux principes : l’ouverture du sociétariat à toute personne qui souhaite acquérir une part de l’entreprise, et la lucrativité limitée (le but n’est pas le profit, simplement la viabilité). Contrairement au modèle traditionnel de l'actionnariat, dans ces entreprises, une personne compte pour une voix dans la prise de décisions”
Les Licoornes ont un objectif : mener la bataille culturelle de la coopérative, pour mieux faire connaître les vertus de son modèle.
Jérôme du Boucher, secrétaire général des Licoornes, est persuadé que la coopérative est un modèle d’avenir. Pour lui, si l’on veut réellement être une entreprise vertueuse, il faut repenser son action à la racine, et aller au-delà de la rhétorique de « l’entreprise à impact » :
“La particularité de la coopérative, c’est que tout le système de gouvernance de l’entreprise y est transformé. La coopérative est un modèle démocratique où la coopération remplace la concurrence et où la transition écologique peut trouver la place qu'elle mérite. C'est un acteur économique qui est vraiment au service de l’intérêt général”
On apprend que depuis quelques années, la “fièvre coopérative” connaît un nouvel élan et gagne des secteurs de l'économie qui lui étaient jusque-là étrangers. On trouve Label Emmaüs, l’e-shop alimenté par le Mouvement Emmaüs, ou Commown, qui conçoit le smartphone le plus écolo au monde. Mais aussi RailCoop, réseau ferroviaire coopératif lancé en 2021, Citiz, qui propose du partage automobile, ou la NEF, qui se définit comme une banque éthique …
Spitz, chihuahua, shih tzu, cavalier king charles : les nouveaux « it-dogs » urbains
Les races de moins de 10 kilos représentent désormais 41 % des chiens en France, raconte Le Monde. Pour la génération des 25-40 ans, spitz nains, pomskys, bouledogues français ou shih tzu sont un signe distinctif de mode de vie. Dans le monde canin, la tendance est clairement à l’urbanisation et à la miniaturisation : qui mieux que Jean-Laurent Cassely, fin documentaliste des styles de vie, pour enquêter sur ce saisissant “déplacement du centre de gravité du monde canin” ?
“Dans le classement annuel des races préférées des Français figurent de tout petits chiens, comme le cavalier king charles, le staffie, le bouledogue français, le chihuahua ou le shih tzu, qui sont des animaux essentiellement urbains. On est passé d’une France rurale, dans laquelle les chiens étaient des auxiliaires utilitaires de l’homme, comme les chiens de chasse et les chiens de garde, à une France beaucoup plus urbaine, avec des chiens complètement différents, qui sont devenus des compagnons et, à vrai dire, des membres à part entière de la famille” (Alexandre Balzer, président de la Société centrale canine)
En cause : l’arrivée massive des millenials sur le marché canin, et la solitude des confinements qui ont fait que “nombre de célibataires ou de jeunes couples sans enfant ont trouvé dans l’animal une présence réconfortante”. En une génération, le chien est d’ailleurs passé, selon la formule du sociologue Christophe Blanchard, « de la niche au canapé ».
Jean-Laurent Cassely remarque que “c’est tout un “écosystème petcare” qui accompagne cette mue de l’univers canin en ville et le renouvellement générationnel des maîtres” :
“Promeneurs canins et dogsitters, jouets et accessoires de créatrice ou made in France, start-up de petfood bio, fraîche, surgelée, livrée à domicile, colliers GPS ou connectés, assurances pour animaux de compagnie, éducateurs et influenceurs canins, élevages VIP dont les saillies entre chiens au pedigree prestigieux sont annoncées en amont façon « collabs » entre marques de mode…”
“Future Consumer 2024”
Le cabinet de tendances anglais WGSN dresse le portrait des "communautés" de consommateurs avec lesquels les marques devront composer en 2024.
The regulators : les control freaks, les névrosés, les allergiques à l'incertitude qui essaient, contre vents et marées, de bâtir des fondations stables dans un monde qui part à vau-l'eau. Pour imager, les Don Quichotte de notre temps qui se consument dans une bataille perdue d'avance contre les moulins du monde d'aujourd'hui.
The Connectors : ce sont les nouveaux entrepreneurs. Ceux qui rejettent la "hustle" culture ; cette culture toxique qui passe chaque facette de sa vie au prisme de la performance ; cette culture coupable du mot "efficience".
Eux, ce sont les étudiants de AgroParisTech et de HEC enorgueillis par leur discours tapageur lors de leur remise de diplôme et qui après quelques années de vie de bohème décident de revenir au business mais bien décidé à le faire autrement.
The Memory Makers - si le futur est par définition "instable" et donc effrayant, le passé, est lui « stable » et donc rassurant. C'est ce mantra qui anime nos memory makers, bien décidés à se constituer un réservoir de beaux moments. Ca passe par une redéfinition et une priorisation de nos connexions avec ceux (familles vs relations) et ce (nature vs culture) qui comptent vraiment pour eux.
The New Sensorialists - le consommateur hybride, celui qui embrasse et jamais n'oppose sa vie digitale et sa vie réelle. Il passe de l'une à l'autre naturellement et sans friction. Celui-là, depuis qu’on ne parle plus que de WEB trois, vous devez le connaitre.
L'étude "drop" (pour parler comme un "New Sensioralist") plusieurs concepts, comme celui de FoNo : Fear Of Normal. Ce concept désigne la peur de régresser sociétalement, la peur de revenir à un monde où l'écologie ne serait pas un sujet clé, où l'égalité hommes / femmes ne serait plus d'actualité, où les droits à l'avortement durement acquis seraient reconsidérés, etc.
L’humanité gagnerait sans doute à subir une pandémie de FoNo.
Nike : "from Comodity to Identity"
Nike fête cette année ses 50 ans. Le New York Times lui fait cadeau d’un long read sous forme d’hommage, qui frôlerait presque le Brand Content. Moins rétrospective pointue que conte de fée pour marketeur : on y apprend comment en un demi-siècle, une petite marque de chaussures de running fondée à Portland a réussi à transformer ses produits de « commodités » à « marqueurs d’identités ». Prouesse partagée uniquement par Apple à ce jour.
C’est cette transmutation qui expliquerait qu’aujourd’hui la marque vaut deux fois son principal concurrent, Adidas et que sa valorisation dépasse celles de Louis Vuitton, Gucci ou encore Chanel.
Les secrets du succès y sont distillés à coup de punchlines aspirationnelles :
“Nike wasn’t an outfitter of equipment for athletes but a platform for constant personal progression”
“The point is to design not items but ideas”
“A consumer product that somehow appears to challenge the idea of consumerism.”
“The result, a prismatic rendering of endless iterations of sneakers for every possible personality, creates a sort of multiverse of fandom with different planets. All of them their own ethos and aesthetic (planet high fashion, planet neo-Goth, planet LeBron)”
BEST-OFF CANNES 2022
Heineken - The Night is Young
Comment faire vacciner les Millenials, alors que 40% d’entre eux doutent de l’efficacité du vaccin ? En utilisant le goût de la fête : “The Night Belongs to the Vaccinated”, clame Heineken, devenant la première marque à prendre aussi fermement position.
Le backlash des anti-vaccins est immédiat : en 48h, le #boycottheineken est en trending topic sur Twitter. Mais d’après une étude Kantar, 67% des moins de 27 ans déclarent vouloir se vacciner après avoir vu la campagne.
Penny - The Wish
L’enseigne de supermarché Penny a ému toute l’Allemagne avec ce long film. "Qu’est-ce que tu voudrais pour Noël? » demande un jeune homme à sa mère. Qui lui fait une réponse inattendue : après deux ans de pandémie, elle lui souhaite de retrouver sa jeunesse - et tout ce qui va avec, ses joies, ses peines, ses fêtes, ses moments de solitude.
De la capacité d’une marque à sonder les coeurs et a porter les angoisses de la population …
MÉDIA
Elections présidentielles et législatives 2022 : quel bilan pour les soirées électorales ?
Duplex, reportages, plateaux, réactions : les soirées électorales sont des moments importants pour les chaînes de télévision. Nous avons tous en mémoire ces images de course poursuite en moto dans les rues de Paris pour décrocher les premiers mots du président nouvellement élu. Mais au-delà de ces images qui peuvent prêter à sourire, il est important de rappeler la contribution du média TV pour faire vivre ce grand moment de notre vie démocratique.
En quelques chiffres, petit retour en arrière sur les soirées électorales 2022 (élections présidentielles des 10/24 avril et élections législatives des 12/19 juin).
Sur le périmètre TF1 / France 2 / France 3, on a comptabilisé cette année près de 40h de temps d’antenne pour ces 4 soirées électorales. C’est un recul de 7% vs 2017. Il est vrai qu’en 5 ans, les chaînes d’information en continu sont montées en puissance et grignotent désormais des parts de marché sur ce segment de l’information. On le constate également sur l’audience : ces soirées électorales ont réuni en moyenne sur chacune des chaînes 3,2 millions de téléspectateurs, soit une baisse 7% par rapport à 2017 (source : Médiamétrie Médiamat – 18h30-24h00).
La consultation et l’analyse des résultats électoraux se jouent également de plus en plus sur Internet. L’ACPM a réalisé pour les présidentielles un bilan de fréquentation : 91 millions de visites quotidiennes ont ainsi été enregistrées sur les sites et applications d’actualités et d’information généraliste à l’occasion de ces deux tours (dimanches et lundis des 2 tours). Habituellement, le niveau de fréquentation sur ces jours s’élève à 70 millions de visites en moyenne. Un autre bilan a été réalisé à l’occasion des élections législatives : les résultat s’inscrivent dans la même tendance avec 82 millions de visites quotidiennes enregistrées les dimanches et lundis des 2 tours, soit une progression de 31% par rapport à la moyenne des dimanches et lundis précédant les élections.
“2022 Digital News Report” (Reuters Institute)
Toujours très attendue, la sortie du rapport annuel de Reuters, qui compile un ensemble de données média provenant de 46 pays. Il livre plusieurs enseignements intéressants, en voici quatre :
1/ La confiance dans l’information a diminué dans près de la moitié des pays de l’enquête, et n'a augmenté que dans sept.
2/ Un nombre croissant de gens se détournent des médias d'information voire, même, se déconnectent complètement de l’actualité. L'intérêt pour l’actualité a fortement chuté dans tous les pays, passant de 63 % en 2017 à 51 % en 2022.
La proportion de consommateurs d’actualité qui déclarent éviter les informations (souvent ou parfois) a fortement augmenté dans tous les pays. Au cours des cinq dernières années, ce type “d'évitement sélectif” a doublé au Brésil (54 %) et au Royaume-Uni (46 %), de nombreux répondants affirmant que les informations ont un effet négatif sur leur humeur.
3/ Le smartphone continue d’être le premier moyen d’accès à l’information dans tous les pays, mais on constate pour la première fois une légère baisse dans l’accès hebdomadaire (effet de la déconnection croissante mentionnée plus haut)
4/ TikTok s’impose comme un important “news player” dans l’écosystème médiatique
Le Los Angeles Times confie son compte TikTok et un compte Instagram dédié à des millenials
Repéré Sur les internets : le Los Angeles Times a confié à une équipe de millenials, nommée l’équipe “404”, les rênes de son compte TikTok et un compte Instagram dédié (en mentionnant explicitant en bio le projet). Une première dans une rédaction nationale aux États-Unis.
“Concrètement, ce sont des jeunes aux profils variés (par exemple, un marionnettiste) mais tous ultra-connectés. La vraie spécificité est qu’ils ne sont pas mandatés pour adapter les contenus du LA Times aux codes des réseaux sociaux… mais bien pour imaginer et expérimenter de nouveaux contenus (comme un show de muppets, des memes etc) pour aller chercher de nouvelles audiences”
Des “screenagers” aux “swipeagers”
Dans une interview passionnante accordée au journal Le Monde, le théoricien des médias Douglas Rushkoff détaille les particularités de lecture des nouvelles générations, nées après l’avènement d’Internet, ainsi que leurs rapports aux nouvelles technologies.
En 1997, dans son livre « Playing the Future », Rushkoff avait popularisé le terme “screenager” - l’association de teenager (adolescent) et de screen (écran). Le terme n’est plus adapté aux jeunes d’aujourd’hui, dit-il :
“L’écran n’est pas l’aspect déterminant de leur sensibilité. Cela a plus à voir avec les doigts, le défilement, le glissement – je parlerais davantage de « swipeagers » [de swipe, glisser]”
NEW DEAL
Manifeste pour une écologie culturelle (Editions l’ADN)
« Manifeste pour une écologie culturelle » est un ouvrage original publié par L'ADN, co-écrit par un attelage étonnant de trois auteurs. Patrick Scheyder, pianiste, et créateur de spectacles sur l’Homme et la nature ; Pierre Gilbert, prospectiviste en risques climatiques et spécialiste du biomimétisme ; et Nicolas Escach, maitre de conférences en géographie et directeur du campus des transitions de Sciences Po Rennes.
Leur point de départ est le paradoxe suivant : bien que nous soyons informés de la catastrophe écologique qui arrive, il ne se passe pratiquement rien dans les sphères du changement. Pour parvenir à un changement à grande échelle, il faudrait arriver à infiltrer toutes les sphères sociétales, et pas uniquement la sphère scientifique et la sphère politique, qui sont pour l’instant les seules majoritairement concernées et envisagées quand on parle d’écologie.
Car la révolution, ou « ré-évolution » écologique ne se fera pas contre la société ou sans elle, sous peine de devenir une dictature. Il faut donc embarquer un maximum de personnes dans cette bataille globale, et cela devrait passer par la culture, avant de passer par la politique :
« L’écologie politique peine à convaincre car elle délaisse souvent ce que l’écologie porte d’intime, de psychologique et d’émotionnel, au profit de grandes propositions techniques »
L’objectif de ce manifeste est de remettre la culture au cœur de la lutte écologique. Les auteurs arguent que ce n’est qu’en infiltrant le monde de la culture qu’on changera les choses durablement et radicalement pour la planète. Pour ce faire, ce qu’ils appellent “l’écologie culturelle” doit avoir trois dimensions : elle doit s’inscrire dans notre passé, nourrir notre présent et inspirer notre futur.
Dans le même registre, une tribune d’Alexandre Kouchner dans l’ADN explique que la fiction peut venir au secours de la planète. Mais pas n’importe laquelle … L’ADEME, Place To B et BVA Group ont suivi un panel de 40 personnes pendant 3 mois pour comprendre comment ils réagissaient aux œuvres audiovisuelles abordant les questions écologiques. Résultats :
“Les panélistes expriment une forte lassitude face à la morale, la culpabilité ( « les bons contre les méchants » ) et les messages extrêmes
Le genre dystopique crée un malaise, en donnant le sentiment d’être dans l’incapacité d’agir et de manquer de solutions. La série L’Effondrement, pourtant populaire, a ainsi « étouffé » une partie des répondants. Malgré leurs succès, les films catastrophe ne mobilisent pas non plus. Le « Disaster Porn » , ce plaisir voyeur à regarder l’apocalypse, laisse le spectateur écrasé par l’absence de solution et souvent ennuyé par des scénarios usés.
Il est donc inutile ou contreproductif de répéter les preuves scientifiques des dangers mortels du dérèglement climatique. Les spectateurs cherchent majoritairement de la joie et de la surprise dans la culture populaire. L’étude montre l’impact particulièrement fort de l’humour.
Ces conclusions ouvrent une nouvelle forme de brand content pour les marques, intégrant des auteurs et des actions concrètes pour embarquer émotionnellement et physiquement les audiences.
“Parlons climat”
Selon une étude de Parlons climat, un programme initié par le laboratoire d’idées Destin commun, et réalisée par l’institut Kantar Public en mars 2022 sur un échantillon de 4 000 personnes.
58 % considèrent qu’il faudra une transformation « radicale » de nos modes de vie pour sauvegarder l’environnement. 73 % des personnes sondées jugent souhaitable la sobriété – définie comme une « diminution de la consommation » – pour lutter contre le changement climatique.
“Deux motivations à agir en faveur du climat se dégagent clairement dans la France de 2022 : l’envie de protéger ses enfants et celle de préserver la beauté des paysages et sites naturels.
À l’inverse, il existe des leviers de démobilisation:
71% des Français disent qu’ils aimeraient faire plus pour l’environnement mais qu’ils n’en ont tout simplement pas les moyens matériels ou pratiques,
70% des Français déclarent qu’ils n’ont pas les moyens financiers pour agir à leur niveau,
40% ne se sentent pas suffisamment informés sur ce qu’ils peuvent faire à leur niveau,
63% de sondés ont souvent l’impression de se trouver face à des exigences inconciliables dans leurs choix du quotidien
“Si on n’y prend pas garde, avertit l’étude, des politiques climatiques ambitieuses pourraient faire naître une opposition d’une partie de la société”. Les auteurs ont identifié les viviers de contestation potentielle :
20% des personnes interrogées déclarent faire déjà le maximum en faveur de l’environnement et ne pas pouvoir faire plus,
25% ne sont pas prêtes à sacrifier leur liberté de choix au nom de l’environnement,
20% continuent de penser que le changement climatique est un phénomène naturel comme il en a toujours existé,
30% ont le sentiment de ne pas avoir leur place dans le mouvement en faveur de l’écologie.
Au total, 57% des répondants sont concernés par l’un des points d’opposition mentionnés.
“C’est toujours moins cher qu’acheter du neuf”
Surfant sur la vague de la seconde main et du reconditionné, le réparateur d’électroménager à domicile Murfy a lancé une campagne à-la-Back-Market. Ces affiches ont été disposées stratégiquement … autour des magasins d’électroménager, dixit La Réclame. Pas inintéressant, d’autant que la campagne concerne non plus simplement de la conso, mais du service.
La communication RSE enfin quantifiée … mais à quand la mesure de ses effets ?
Si les acteurs économiques se disent, pour la majorité, convaincus du bien-fondé de la démarche RSE, de nombreuses questions se posent encore sur sa mise en œuvre. Des questions généralement adressées aux agences et ouvrant le champ à des nouvelles recherches marketing :
Quels sont les niveaux d’investissements sur la RSE ? Quelle part les annonceurs y consacrent-ils ? Y-a-t-il des différences selon les secteurs ?
Comment émerger dans un contexte où les communications RSE se multiplient ? peut-on désormais parler de saturation ?
Quid de l’efficacité des campagnes RSE ? Y-a-t-il un équilibre à respecter entre communication Produit/marque/commerciale et communication RSE ? …
Autant de questions aussi légitimes que complexes.
Complexes, car il faut déjà définir ce qu’est une communication RSE : sujet auquel Kantar Media s’est attelé dans le but de produire sa pige RSE dès cette année. L’institut s’est appuyé pour cela sur la norme ISO 26000 et un partenariat avec l’ADEME mais aussi par la mise en place d’une commission interprofessionnelle afin de trancher sur certains cas particuliers (ex. la mise en avant d’une personne handicapée est-elle suffisante ou non pour parler de communication RSE ?)
A l’issue de ce travail, le chiffre est tombé : 11% des investissements publicitaires bruts ont été investis sur des thèmes RSE en 2021. Le chiffre peut paraitre élevé dans l’absolu (3,5 Mrd d’€), mais il recouvre des différences importantes selon les secteurs : l’automobile arrive ainsi en tête avec près de la ½ de ses investissements publicitaires consacrés à la RSE (toute communication en faveur de l’électrique/hybride y est automatiquement affectée).
De même, les PGC sont sur représentés, notamment sous l’effet du développement des gammes Bio (également automatiquement affecté en RSE) mais aussi des thèmes liés au recyclage des plastiques (à l’instar de Ferrero, 1er annonceur RSE Food, « grâce » à son pot de Nutella recyclable). Pour le tourisme, la mode ou la banque assurance, ce ne sont en revanche que 4% des investissements qui sont consacrés à ces sujets.
Dans le même temps que les annonceurs se déclarent persuadés de l’intérêt de développer ces thématiques, ils reconnaissent avoir du mal à en mesurer les effets en termes de ROI ou de ROE (pour engagement). Car, comme souvent, en matière d’efficacité, on a besoin de recul et d’accumulation de cas pour commencer à dessiner des courbes d’expériences, d’autant plus sur ce type de communications plus orientées branding que performance, dont les résultats s’observent donc à long terme.
Deux publications ont néanmoins retenu notre attention : les travaux de Peter Field sur la base de cas de l’IPA dès 2021, et celle de Nielsen IQ sur une base de cas en grande consommation sur le marché français. Si les méthodes d’analyse diffèrent, les principales conclusions se recoupent. Les taux de réussite des campagnes RSE semblent encore en deçà des campagnes plus conventionnelles/produits. Néanmoins, les campagnes RSE qui s’avèrent efficaces génèrent des effets plus importants que les autres, et cela se vérifie non seulement en termes d’effets Branding mais aussi d’effets Ventes, y compris à court terme.
Il y aurait donc ainsi des clés de réussite propres aux communications RSE. C’est un champ de recherche qu’Havas a commencé à initier, notamment en travaillant sur le rôle des Valeurs dans les prises de décisions en partenariat avec le laboratoire en Neurosciences de l’ENS. À suivre !
DERNIÈRES PARUTIONS
Un livre : La publicité dans le monde nouveau (Irène Grenet, Odile Jacob)
Ancienne directrice générale adjointe de la régie publicitaire de France Télévisions, Irène Grenet publie un essai dans lequel elle analyse les mutations profondes de la publicité, et anticipe le rôle qu’elle pourrait jouer demain.
L’essai est très réussi dans sa capacité à synthétiser les principaux travaux autour de l’évolution du rôle de la publicité à travers les époques. Moins réussis, les passages sur la transformation digitale, trop attendus. L’auteure conclut son livre sur une touche d’optimisme : parce que la publicité a toujours façonné les mentalités et les imaginaires, elle a un rôle à jouer dans les transformations sociétales actuelles. Par sa force créative, par sa capacité à faire rire et rêver, par l’inépuisable force du désir qu’elle n’a eu cesse de mobiliser tout au long de son histoire, “la publicité peut rendre désirable la transition écologique”. On en aurait bien besoin.
Une BD : “Chief Bullshit Officer” (François-Xavier Chenevat, Fix)
Avec un humour mordant, la bande dessinée de François-Xavier Chenevat nous fait plonger dans le monde de l’entreprise - avec tout ce qu’il comporte d’absurde, de cynique et d’hypocrite. Le trait est forcé, mais derrière la caricature se nichent des critiques bien senties. Morceaux choisis :
“Soit nous réussissons ensemble, soit vous échouez seul”
« Mais bien sûr que notre entreprise encourage le télétravail. Veillez simplement à bien garder votre bracelet électronique »
Lors des fêtes de fin d’année, une petite fille ne pose pas de question sur le Père Noël, mais interroge son père : « Il existe vraiment le livreur Amazon ? »
Un podcast : “Quel avenir pour les Licornes ?” (Les Eclaireurs du numérique)
Quel avenir pour les licornes, alors que celles-ci s'appuient de moins en moins sur de grosses avancées tech et que le monde réel rappelle ses exigences ?
La start-up nation, concept marketing (à l’exception d'Israël, où c'est une vraie culture et où se déploie un vrai ecosystème) résistera-t-elle au besoin d'investir massivement dans les besoins fondamentaux sur l'énergie, l'alimentation, le transport, l'industrie... afin d'assurer la souveraineté et l'indépendance nationale ?
Révélateur que des vieux de la vieille de la tech (Les Éclaireurs du numérique) formulent les enjeux de cette façon … !
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous en septembre pour un prochain numéro de la CORTEX NEWSLETTER. Bel été à tous !