La “Netflixisation du monde”, la peur comme fondement de la société de consommation, le match Amazon vs MAIF, les “Gilets jaunes du commerce”… Elles ont fait (ou pas) l’actualité, voilà les idées des quatre dernières semaines.
Temps de lecture estimé : 15 minutes
LA “NETFLIXISATION” DU MONDE
En 1993, le sociologue américain George Ritzer publie “The McDonaldization of Society”, un livre qui décrit le processus par lequel les principes du fast-food sont devenus dominants dans un nombre croissants de secteurs : l’aérien (EasyJet), le fitness (Neoness), etc. N’assiste-t-on nous pas aujourd’hui à une “Netflixation” du monde ?
Le loueur d’automobiles Sixt lance un "forfait Netflix", mensuel et sans engagement baptisé Sixt Plus. Pour 359 euros par mois, le prix de départ, un conducteur peut désormais choisir entre différents modèles et posséder le véhicule durant un minimum d’un mois.
“Running as a service” : la marque de sport suisse On Running lance la basket sur abonnement. A 29,95 euros par mois, la formule d’abonnement permet de recevoir de nouvelles paires de chaussures tous les six à neuf mois, en échange du renvoi de ses paires usées. Celles-ci sont entièrement recyclées et fournissent la matière première aux futurs modèles.
MARKETING POWER
Le boycott des marques
L’étude “Brand Boycotters” de Yougov s’est penchée sur le phénomène du boycott des marques, un phénomène loin d’être négligeable puisque 37% des consommateurs européens (40% des français) déclarent avoir déjà boycotté une marque.
Une fois la confiance perdue, elle est difficile à retrouver : 62% des Français qui ont boycotté une marque déclarent ne plus l’utiliser à nouveau.
Dans tous les pays, c’est la catégorie “Alimentaire & Boissons” qui est la plus boycottée
Les raisons du boycott varient selon les pays, traduisant les différentes sensibilités des opinions nationales, mais on retrouve le triptyque « dommages environnementaux », « maltraitance animale » et « effets négatifs sur la santé » :
En France, on note une sur-sensibilité liée à la santé : 42% des Français ont boycotté une marque à cause de produits présentant un risque pour la santé des consommateurs (un chiffre bien plus élevé que la moyenne européen, 30%).
La peur au coeur des stratégies marketing
Philosophe et professeur de marketing à ESCP Business School, Benoit Heilbrunn développe l’idée selon laquelle le marketing, pour pallier au manque d’intérêt du consommateur pour des produits ayant peu d’intérêt, a historiquement eu deux leviers : le plaisir et … la peur. Si le premier levier est bien connu, le second est un vrai impensé. Et pourtant :
“Puisque le plaisir ne concerne en définitive que peu de catégories de produits, c’est en fait la peur qui régit la plupart des marchés et qui permet de contrôler les clients.
Prenons l’exemple du dentifrice : comment nous faire peur si ce n’est en brandissant le spectre de la carie, ou en signifiant qu’une haleine fraîche et des dents étincelantes sont la clé du succès pour une vie sociale épanouie ?
Louis XIV a pris en tout et pour tout deux bains dans toute son existence, alors qu’il nous semble normal de nous laver les dents trois fois par jour, de se doucher le matin, de se laver les cheveux tous les deux jours et de nous mettre du déodorant avant d’aller travailler. La fabrication d’un conformisme social qui s’appuie sur la peur a permis l’essor d’une véritable culture hygiéniste et de construire des marchés gigantesques pour des produits qui n’avaient a priori aucun sex appeal pour les clients.
Ceci doit nous rappeler que la peur, qui est la passion politique fondamentale pour Thomas Hobbes, est aux fondements de la société de consommation. Car les marques jouent avec notre peur en nous maintenant dans un état d’inquiétude pour nous vendre des produits dont nous n’avons pas forcément envie”
Une “stratégie de la peur” qui raisonne différemment à l’ère COVID et alors que toutes les enquêtes montrent un fort désir de protection de la part des populations …
LA NÉO-MASCULINITÉ
La conception de la masculinité au coeur de l’élection présidentielle américaine
Si l'élection de 2016 a opposé le féminisme au machisme, la campagne de 2020 demande aux électeurs de réfléchir à ce que signifie la masculinité, nous relate un article du New York Times. Les supporters de Trump partagent une version de la masculinité qui met l'accent sur la dureté, tandis que les supporters de Joe Biden insistent sur le devoir de protéger les faibles. Ce qui donne court à de vives critiques de la part du camp républicain :
La tendance homiesexual sur Tik Tok
Pépite dénichée par l’ADN. “Ils sont jeunes, beaux, hétérosexuels et ils se filment en train de faire des câlins, bisous ou danses suggestives avec leurs copains. Bienvenue dans le monde des homiesexuels ». Preuve supplémentaire que la Gen Z développe une toute autre conception de la masculinité …
La masculinité selon Gillette France : petits joueurs ?
À l’occasion des 40 ans de son slogan mythique “The best a man can be” (La perfection au masculin), le groupe Gillette effectuait un revirement spectaculaire de son discours autour de la masculinité en diffusant un spot publicitaire sous la forme d’un grand mea culpa.
Dans sa campagne “L’homme que vous êtes”, diffusée le 11 octobre dernier, Gillette France a cherché à développer sa propre représentation de la masculinité en France avec trois films : "L'amoureux de Camille", "Le grand jeté" et "Lucas contre Goliath".
On est un peu restés sur notre faim … où est passée l’audace des déclinaisons nationales des autres grands pays européens comme la Grande-Bretagne ou l’Espagne, qui ont adopté des représentations beaucoup moins frileuses de la masculinité ?
Surtout, tout l’enjeu de la déclinaison française résidait dans la traduction de “The best men can be”, le nouveau slogan choisi au global. Comme le relevait Philonomist :
“La transformation sémantique du slogan de Gillette est tout à fait révélatrice : en effet, en passant de « The Best a Man Can Get » à « The Best Men Can Be », la perfectibilité se substitue à la perfection. On n’invoque plus une perfection virile, idéal immuable et prédéterminé d’un Homme fantasmé ; bien au contraire, on revendique de « faire de son mieux », ce qui implique une infinité de comportements possibles et surtout une liberté d’action bien plus forte”
Gillette France a fait le choix de conserver la signature originelle, “La perfection au masculin”. Dommage …
Le nouveau Jules : Men in Progress
Après le lancement de sa nouvelle signature en octobre 2019 “Men in Progress”, Jules a lancé le 1er novembre un nouveau film On dit qu’un homme, pour réaffirmer leurs engagements pour une mode à impact positif.
“On dit qu’un homme doit être grand.
On dit qu’un homme doit être fort.
On dit qu’un homme doit défendre son pays.
On dit qu’un homme ne pleure qu’une fois dans sa vie.Et si un homme, c’était être prêt à porter le progrès ?”
Le nouveau Jules s’engage à habiller les hommes qui portent le progrès. Une aventure tournée vers le futur, où les vêtements sont conçus pour durer, être transformés, être réutilisés. Une aventure où les vêtements sont de plus en plus respectueux de l’environnement : des jeans fabriqués à partir de bouteilles recyclées, des t-shirts en coton 100% issu de l’agriculture biologique. Une aventure ponctuée d’actions positives, aussi bien sociétales qu’environnementales, où l’on se soutient, on expérimente, on goûte à la liberté”
NEW DEAL
Le PDG de Microsoft appelle à un “référendum sur le capitalisme”
Lors du FORBES JUST 100 virtual summit, Satya Nadella estime qu’il est temps de ré-imaginer la façon dont le capitalisme fonctionne. "Aujourd’hui, en 2020, au milieu de cette pandémie, il serait juste d’avoir un référendum sur le capitalisme".
Il explique que les entreprises devraient mesurer leur succès en fonction du nombre d’emplois qu’elles arrivent à créer, le revenu qu’elles engendrent chez leurs fournisseurs et en fonction de l’argent que leurs employés peuvent dépenser. Le profit financier que l’entreprise réussit à dégager, devrait, lui, ne plus entrer en compte.
A l’approche des élections américaine, le PDG de Microsoft s’est aussi exprimé sur la responsabilité que l’entreprise possède sur la démocratie. "En tant qu’entreprise américaine, et en tant qu’entreprise de la tech, notre positionnement dans le monde et aux Etats-Unis est dû au dynamisme de la démocratie américaine", explique-t-il. "Par conséquent, le statut de toute entreprise, y compris de la nôtre, dépend de notre capacité à nous appuyer sur cette institution démocratique forte, ici et partout ailleurs dans le monde."
Au-delà de la sensation de découverte épiphanique, il est frappant de constater que l’engagement sociétal devient un passage obligé pour tout dirigeant … et une nouvelle façon de protéger son entreprise. Là où il y a 20 ans, un PDG protégeait son entreprise en parlant de performance et en travaillant ses relations actionnaires, aujourd’hui un PDG protège son entreprise en parlant d’engagement et en travaillant ses relations avec l’ensemble des parties prenantes.
MAIF vs AMAZON : le match du siècle
Résultats surprenants mais intéressants à commenter. Une étude montre que la MAIF et AMAZON se disputent la première place du classement des marques les plus inspirantes en termes d’expérience-client aux yeux des professionnels.
Un blog consacré à l’expérience-client, SensduClient.com, commente le bouleversement de ce classement engendré par la crise sanitaire :
“Lors de la première vague (avant le confinement), 25% des répondants citaient Amazon comme l'entreprise la plus inspirante, suivie de la MAIF, avec 11% de citations et de Nespresso avec 10% de citations.
La seconde vague (au sortir du confinement) a montré un tout autre classement, avec 20% de professionnels qui citaient la MAIF (+9 points), 19% qui citaient Amazon (-6 points) et 13% Decathlon (+4 points), remplaçant Nespresso qui occupait la 3ème place et qui perd 6 points.
Il me semble que ce basculement observé dans ce résultat d'étude illustre parfaitement les aspirations et les interrogations des professionnels.
Ce n'est pas un match économique, c'est un match politique. Ce n'est pas un match de qualité de service, c'est un match de stratégie d'entreprise”
En gros, le match oppose “deux entreprises, deux ambitions, deux stratégies que presque tout sépare (…) : d’un côté, le capitalisme ravageur et planétaire et de l'autre, un modèle plus exigeant, plus difficile, qui a pour ambition de respecter toutes les parties prenantes des entreprises et qui pense les entreprises comme des acteurs du changement”.
Instagram devient LE réseau social de l’engagement sociétal
Dans un article intitulé « The liberal election is happening on Instagram », Axios montre, chiffres à l’appui, qu’Instagram est en train de s’imposer comme le réseau social qui véhicule le plus d’engagements civiques.
Commentaire d’Influencia : “Ce qui était autrefois un lieu de partage de photos lifestyle de repas ou de vacances paradisiaques est devenu un lieu où l’on s'informe, où l’on milite”
“While Facebook continues to take heat over being a tinderbox for conservative media, data shows that liberal, civically engaged voices are winning out on Instagram — and the engagement is even higher there than on Facebook.
Why it matters: The politics playing out on Instagram reflect a younger, more progressive generation. Many have left Facebook to their parents”
COMMERCE ET RECONFINEMENT
Les “Gilets jaunes du commerce”
Contrairement au premier confinement, la fermeture des petits commerces a provoqué un mouvement de fronde de la part de commerçants qui crient à l’injustice contre les hypers-marchés et Amazon. C’est que certaines estimations parlent de 1 million de petits commerces (représentant près de 3 millions de salariés) sur la sellette.
Comme le souligne le journal Le Monde :
“La rébellion d’une partie des commerçants reste pour l’heure circonscrite, mais elle est symptomatique d’un risque majeur de la période : un accès de colère des plus vulnérables face à des décisions perçues comme injustes et technocratiques. Toute comparaison avec le mouvement des « gilets jaunes » n’est pas totalement fortuite”
Il est frappant en effet de constater exactement les mêmes clivages à la source du mécontentement : clivage peuple - élite (le petit fleuriste vs Leclerc), clivage local - global (le libraire du coin vs Amazon).
Les initiatives se multiplient de la part des grands distributeurs français pour ne pas laisser s’installer cette petite musique : Auchan annonce mettre à disposition ses plateformes physiques aux commerçants touchés par la fermeture de leur magasin, Monoprix va accueillir des fleuristes et des cordonniers dans ses rayons, et Intermarché assume une communication très anti-Amazon.
Assistons-nous à la “market-placisation” du petit-commerce ?
Alors qu’Amazon devient le parfait bouc-émissaire de petits commerçants en colère, la puissance de son modèle n’a jamais exercé un soft power aussi puissant. Car dans le même temps, on voit se multiplier des initiatives de market-place locales fonctionnant exactement sur le même modèle qu’Amazon :
-“Nancy lance son Amazon local” : la métropole du Grand Nancy et des associations de commerçants lancent une plateforme numérique d'achats en ligne. “La livraison est gratuite, prise en charge par le Grand Nancy pendant le week-end de Fête des Mères” précise Lorraine Actu.
-”Limoges va ouvrir son Amazon local”: Intitulé “Shop in Limoges”, ce service réunit des métiers de bouche mais également des commerces qualifiés de "non essentiels" comme des fleuristes, des coiffeurs ainsi que trois librairies indépendantes. “La digitalisation ne doit pas être envisagée au niveau de chaque commerce, chacun dans son coin mais d’une manière collective”, explique Jean-François Pailloux, président de l'association de commerçants Pignon sur Rue 87.
Il n’y a aucune raison que ces initiatives ne s’inscrivent pas dans la durée, au-delà de la crise sanitaire.
DÉBATS
Qui croit encore dans la démocratie ?
Une étude publiée dans l'American Political Science Review (Yale University) révèle que seuls 3,5% des Américains - toutes appartenances politiques confondues- se disent être prêts à changer leur intention de vote dans l'hypothèse où leur candidat adopterait un comportement anti-démocratique ou violent.
Commentaire de la politologue Chloé Morin dans Atlantico :
“Cette étude semble indiquer que le fait d'appartenir à un camp, avec ses valeurs, son identité, prime désormais sur le principe démocratique - ce qui jusqu'ici n'a jamais été le cas, il faut le souligner.
Cette étude est une preuve de plus que la tribalisation affaiblit la démocratie. Puisque nous nous affrontons non plus sur ce que nous voulons (quelle société voulons-nous construire?), ou ce que nous faisons (plus ou moins d'impôts, plus ou moins de dépenses en matière de santé, etc), mais sur ce que nous sommes, nous ne sommes plus prêts à faire la moindre concession au camp adverse. Or, nos institutions n'ont pas été conçues pour résoudre ce type de différends...”
Et si la France devait augmenter ses émissions de CO2 pour sauver la planète ?
C’est la conclusion - à première vue paradoxale - de Nicolas Meilhan, ingénieur de formation et conseiller scientifique auprès de France Stratégie, dans un entretien accordé à la chaine en ligne Thinkerview (à écouter à partir de 51’42).
Pour cela, il s’appuie sur le concept d’"émissions importées” : les émissions émises sur d’autres continents pour la fabrication de produits importés consommés en France.
Le raisonnement : pour réduire les émissions de CO2 mondiales, il faudrait que la France augmente les siennes en re-localisant les productions qui sont aujourd’hui réalisées dans des pays où l’énergie est très fortement carbonée.
Alors que la Chine a 80% de son énergie qui provient du charbon, “la France devrait être l’usine du monde”. En relocalisant en France les industries qui seraient désormais alimentées par le nucléaire (énergie décarbonnée), on verrait les émissions françaises augmenter mais l’empreinte carbone mondiale diminuer …
Un raisonnement très intéressant à appliquer pour les entreprises : ne devraient-elles pas raisonner à l’échelle du GLOBE, et donc prendre en compte les émissions importées dans le calcul de leur empreinte carbone ?
DERNIÈRE PARUTIONS
Un roman : Elle a menti pour les ailes (Francesca Serra, éditions Anne Carrière )
Surprise de la rentrée littéraire, Elle a menti pour les ailes est un premier roman qui dépeint le quotidien et l’état d’esprit des lycéens d’aujourd’hui. Francesca Serra réussit la prouesse de parler de la « génération Z » sur 500 pages sans utiliser une seule fois le terme.
Sa lecture est, pour tout planneur stratégique, une mise en pratique du concept de dissonance cognitive : car rien ou presque dans ce qu’elle décrit ne colle avec les représentations traditionnelles de la “Gen Z”.
Extrait choisi :
“De l’autre, les gosses qui utilisent internet comme un espace de ralliement. Comme s’ils préparaient une guerre, ils se réunissent tous les jours au même endroit qui n’existe pas géographiquement, par conséquent inattaquable, bien mieux protégé que n’importe quel autre territoire sur le globe. Ils sont déjà une armée. Et le jour où un garant de l’autorité traditionnelle commence à suspecter quelque chose et à dire “Tu n’as pas le droit”, ils font bloc, refusant une punition qu’aucun d’eux ne croit mériter. Ils se sont éduqués eux-mêmes dans ce lieu séparé, qui n’a rien de virtuel, ils se sont entrainés à se reconnaître, ils ont formé une communauté, ils partagent une même culture, un même humour, un même langage, ils ont développé leur propre système. Ils ne répondent plus aux impératifs sociaux de leurs aînés. Ils ont instauré, en silence, dans le secret de leur chambre ou dans la paume de leur main, une nouvelle ère que l’on persiste à qualifier de “technologique”, mais c’est faux, ils s’en branlent de la technologie, ils ne savent même pas comment marchent leur téléphone : c’est une nouvelle ère morale”
Un podcast : “Mécaniques du journalisme” (France Culture)
Après le succès des neuf saisons de “Mécaniques du complotisme”, France Culture lance une nouvelle série de podcasts pour relater les grandes enquêtes journalistiques. Comment travaillent ceux qui cherchent ? Comment trouvent-ils l’information, comment la vérifient ils, et comment protègent-ils leurs sources ?
La première saison est consacrée à l'affaire Cahuzac, avec le journaliste de ''Mediapart'' Fabrice Arfi. Et c’est passionnant !
Pour les marques, voilà un très bon exemple de “Behind the Scene Stories” et de storytelling-métier …
Un essai : Le temps des gens ordinaires (Christophe Guilluy, Flammarion)
C’est peu de dire que la sortie du dernier ouvrage du théoricien de La France Périphérique (Flammarion, 2014) était attendue. C’est qu’on doit au géographe d’avoir compris très tôt que la fracture sociale était d’abord une fracture territoriale, et que les classes populaires subissaient une relégation économique, géographique et symbolique. Quelle serait sa prochaine intuition, à l’heure où notre société connait une conjonction de crises sans précédent ?
Dans Le temps des gens ordinaires, la principale idée développée par Christophe Guilly est que le Brexit, la victoire de Trump, le mouvement des Gilets Jaunes et la crise sanitaire a redonné de la visibilité aux classes populaires et moyennes : “les déplorables sont devenus des héros”.
“La donne a changé. Pour la première fois depuis les années 1980, la classe dominante fait face à une véritable opposition. Les gens ordinaires sont sortis du ghetto culturel dans lequel ils étaient assignés. Ils ont fait irruption au salon. Le basculement qui est à l’oeuvre ne se résume pas à l’écume du populisme, il n’est pas seulement politique mais culturel.
Seuls, les gens ordinaires mettent fin à une éclipse culturelle entamée il y a un demi-siècle en cassant le jeu politique traditionnel.
Majoritaire, renforcé par un diagnostic partagé des réalités sociales et culturelles contemporaines, le bloc populaire est en train d’inverser le sens de l’Histoire”
Globalement, l’essai est moins puissant et moins rigoureux que les précédents. Il reste que son propos, très radical, développe des pistes de réflexion très intéressantes à creuser - comme “l’instrumentalisation de l’idéologie du progressisme”, par exemple :
“En ce début du XXIe siècle, le capitalisme s’habille de vert, de bleu, d’arc-en-ciel. Il promeut la diversité, le vivre-ensemble, le féminisme et la bienveillance en imposant, dans le même temps, un modèle économique et social de plus en inégalitaire. Depuis les années 1980, le néolibéralisme s’est drapé de progressisme, idéologie “cool”. Les entreprises ne sont pas les seules à avoir compris l’intérêt qu’elles pouvaient tirer de cette lessiveuse progressiste. Des élites à la petite bourgeoisie, c’est l’ensemble du monde d’en haut qui a instrumentalisé ces thématiques consensuelles pour assurer sa domination économique, politique ou culturelle.
Mais aujourd’hui, cela ne semble plus faire recette. Les gens ordinaires ont compris que les croyants de cette nouvelle religion sont rarement des pratiquants. Qui, à l’exception de quelques cinglés, serait pour la pollution, le racisme ou le fascisme ? L’écologisme, l’antiracisme, l’antifasciste de façade sont devenus des armes de classe auxquelles on ne peut plus s’opposer. Ils agissent comme un rayon paralysant : toute critique du modèle globalisé est ainsi associée à une critique du progressisme, à une remise en cause de l’Autre et de l’universel. Cette stratégie a parfaitement fonctionné jusqu’à la fin du siècle dernier. Mais la renaissance culturelle des gens ordinaires et leur autonomisation ont changé la donne”
C’est tout pour aujourd’hui ! Rendez-vous le mois prochain pour un prochain numéro de la CORTEX NEWSLETTER.